Les articulations de ma chienne
Une vieille Jocaste
Il y a deux dimanches, alors que sous un soleil radieux je revenais, la tête perdue dans mes sombres nuages orageux, d’une promenade en forêt avec ma chienne sagement tenue en laisse à mes pieds, en passant par une route qui traverse un quartier de villas à jardinet, je l’ai entendue hurler de détresse. En regardant sur le côté, j’ai vu un gros chien qui tentait de la mettre sur le dos. J’ai eu beau crier le chien a continué à s’acharner sur elle. Nonchalamment, le propriétaire de l’agresseur est sorti de son jardin, pour enlever sa bête du dos de ma Jocaste, une femelle stérilisée. Malgré le départ de l’autre chien, ma chienne à continué à hurler à la mort. Pour la calmer je l’ai tendrement enlacée. Immédiatement elle a cessé de pleurer mais, en voulant reprendre mon chemin, Jocaste, une patte arrière repliée, refusait d’avancer. J’ai demandé au propriétaire de la canaille de m’accompagner en voiture chez le vétérinaire de garde, ce qu’il a fait sans enthousiasme. Auparavant, il a fallu passer chez moi faire une longue recherche par téléphone, car non seulement nous étions dimanche mais de plus en pleine période de vacances. Une fois chez le véto de garde, mon chauffeur m’a donné son numéro de téléphone en m’assurant qu’il reviendrait me chercher quand je l’appellerais, puis est parti continuer son barbecue.
Après l’auscultation de Jocaste et une piqüre d’ant-inflammatoire, le vétérinaire en a déduit qu’elle n’avait rien de cassé, hormis “un bec de perroquet” qui se serait effrité. Ce bec d’oiseau collé aux vertèbres de Jocasate, serait dû à l’arthrite causée par son grand âge, puisqu’elle aura 12 ans le mois prochain, ce qui selon le graphique aperçu chez le vétérinaire, lui fait 85 ans d’un être humain. Il m’a recommandé de ne pas la promener durant une semaine, lui a prescrit d’autres anti-inflammatoire et m’a suggéré de l’amener chez son vétérinaire habituel, dans les huit jours, quand il reviendrait de vacances. En sortant de chez l’homme en blouse blanche, j’ai tenté de téléphoner au propriétaire de l’autre chien, et là… RIEN. Une voix me disait que ce téléphone n’existait pas! J’ai voulu entrer à nouveau chez le médecin à bestioles afin de chercher son numéro dans l’annuaire ou, le cas échéant, celui d’un taxi, mais le véto avait refermé à clé derrière moi. Je me suis retrouvée seule avec ma chienne handicapée, dans une rue peu passante, très loin d’une station de taxis, ou d’un annuaire de téléphone. Comme j’étais à peu près à un kilomètre de chez moi, j’ai décidé de rentrer en marchant lentement, la peur au ventre d’handicaper ma chienne d’avantage. Une fois à la maison, après avoir porté ma chienne de vingt-trois kilos sur trois étages, j’ai été soulagée de constater en regardant dans l’annuaire, que le propriétaire de l’autre chien s’était juste trompé d’indicatif, qu’il m’avait donné celui du fixe au lieu de celui du mobile, car j’avais eu peur qu’il m’ait volontairement fait un coup bas. Je lui ai téléphoné pour régler l’histoire de la facture, car son chien n’avait pas à sortir comme une trombe de son jardin pour agresser le mien. Certes, il ne l’a pas mordu, mais il lui a tout de même fait sacrément mal, ce qui m’a coûté cent-trente-cinq francs. Le propriétaire de l’autre loulou n’a pas émis d’objection, et m’a promis me rembourser quand toutes les consultations vétérinaires seraient terminées.
Durant deux jours ma chienne a refusé de monter ou descendre les escaliers, m’obligeant à la porter et à me faire moi-même mal au dos. Cela m’a beaucoup effrayée, car ça confirme que le jour ou son arrière-train ne pourra plus porter son poids, même si dans une habitation au rez-de-chaussée ou munie d’ascenseur elle pouvait continuer à vivre, je serai obligée de l’euthanasier. A moins naturellement qu’une bonne âme adéquatement installée se dévoue pour s’occuper d’une vieille chienne un peu sourde, très calme et sympathique, mais ce genre d’âme ne se trouve guère facilement. Au bout de deux jours de soins et de repos, elle remarchait normalement, mais quelque chose en moi a pris peur. S’est brisé.
Lundi j’ai amené Jocaste chez son vétérinaire habituel qui lui a fait un contrôle général avant de la mettre sous anti-athriques afin de rendre sa hanche aussi résistante que possible aux outrages des ans. A présent, j’attends la facture pour reprendre contact avec le bonhomme du chien agresseur. J’espère qu’il ne fera pas opposition. L’un dans l’autre, cette mésaventure canine, en dehors des soucis et des angoisses causées, m’a coûté deux-cents francs qui n’étaient pas prevu dans mon budget du mois, or je n’ai aucune envie de me prendre la tête avec un autre détenteur de quatre pattes.
Actuellement ma chienne se porte bien. Elle saute même des murets de soixante centimètres et court comme une gazelle. Je croise les doigts pour que ça dure!
Jocaste fait ses yeux tristes.