“La crise”… On nous rebat les oreilles à longueur de journée avec cette fameuse “crise”, un jour des subprime, l’autre de l’immobilier, économique, des valeurs, des vocations (?)… quand on ne nous annonce pas une combinaison de plusieurs d’entre elles, laissant augurer des lendemains bien sombres ! Qu’à cela ne tienne : plutôt que de se morfondre sur notre triste sort, voyons chez nos voisins si d’aventure d’autres seraient dans une plus délicate posture…
Avec l’Angleterre, l’Espagne est régulièrement présentée comme la principale victime européenne de la crise (encore elle) des subprime. Les Espagnols, ayant eu massivement recours aux emprunts hypothécaires à taux variable, s’en trouveraient exposés de plein fouet aux fluctuations de l’euribor qui a bondi dans le sillage de la crise (j’abandonne !) américaine. Résultat : des ménages surendettés et une société au bord de l’implosion.
Le problème de cette analyse, c’est qu’elle masque les faiblesses véritables de l’Espagne et l’atout majeur dont dispose le pays.
Construction + tourisme = vulnérabilité
En effet, si l’Espagne est menacée, c’est moins par la crise (bon, ça va, hein…) des subprime que par ce qu’elle révèle de fragilité sur le plan économique. Derrière 2 statistiques qui semblent sonner comme autant de victoires se cachent de véritables handicaps.
Ainsi, dans les années 2000 :
- l’Espagne a construit autant de logements que l’Allemagne, la France et le Benelux réunis ;
- l’Espagne est devenue la deuxième destination touristique derrière la France.
Ces éléments marquent-ils le retour de l’Espagne triomphante sur le devant de la scène internationale, l’Invicible Armada habilement guidée par son Chef intimant l’ordre au roi du pétrole vénézuélien de bien vouloir “fermer sa gueule” ? Certes oui, mais de manière plus pragmatique, on constate surtout que ce sont les 2 principaux moteurs de la croissance que l’on a là, BTP et tourisme, et qu’il s’agit de 2 secteurs économiquement exposés et contraints.
Par ailleurs, le BTP est un secteur dans lequel la productivité du travail est très faible : c’est embêtant dans un contexte concurrentiel faisant des fameux gains de productivité l’une des principales mamelles du développement économique…
Viva el Banco de España !
L’analyse de la situation espagnole à la seule lumière des subprime masque aussi (heureusement) une grande force : celle de sa Banque centrale. Tranchant singulièrement avec beaucoup de ses consoeurs, elle a depuis longtemps déjà opté pour la prudence.
Entre 2000 et 2007, le taux de croissance espagnol s’est élevé à 3,6% en moyenne, ce qui n’a pas empêché la Banque d’Espagne de demander aux banques 2 précautions :
- constituer des réserves, en cas de coup dur (bien vu !) ;
- accepter un taux d’approvisionnement bancaire différencié : lorsque la croissance des crédits est élevée, les taux remontent ; lorsqu’elle baisse, ils redescendent. Un mécanisme d’absorption des contre-coups, en somme, destinée à lisser les impacts des mouvements de capitaux. Simple, mais encore fallait-il y penser…
Conclusion : le spectre du chômage et l’épouvantail de l’immigration…
Ce qui se produit donc aujourd’hui n’est pas alarmant en soi : le fait que les stocks de logements augmentent et que les prix commencent à baisser est même plutôt une bonne chose, dans la mesure où les précautions prises par la Banque d’Espagne permettent d’éviter ce qui se produit aux Etats-Unis. Merci les subprime ?
Le problème est plutôt ce qu’une crise (ça faisait longtemps…) du BTP pourrait signifier en termes d’emploi.
Les salariés de ce secteur sont peu productifs (au sens économique du terme), et vont donc rencontrer de sérieuses difficultés dans le cadre d’une éventuelle reconversion.
Tout cela ne met donc pas Zapatero, qui a pourtant complètement raison, en situation favorable pour critiquer Sarkozy, à l’origine de l’abracadabrantesque éviction de l’Espagne des discussions actuelles…
David