Une fois Crackdown terminé, lorsque la ville est enfin vidée de sa racaille à renfort de gun et d’explosifs, il ne reste rien. On peut continuer d’arpenter les rues, grimper sur les immeubles, éventuellement remplir quelques challenges ou tenter de récupérer des items oubliés, mais c’est tout. Le calme règne. Après le fracas incessant, l’action hystérique, la guerre permanente, la paix. Une paix qui a soudainement quelque chose d’effroyable. On attend le moindre ennemi, on l’espère, peut-être que quelque part il en reste caché quelques-uns, mais non. Nous n’avons plus rien à faire, notre mission est accomplie. D’habitude lorsqu’on termine un jeu, on a le droit à une cinématique et puis un retour au menu, pas ici, la vie continue. On tente alors de profiter de ce temps libre enfin accordé pour piloter une voiture à cent à l’heure sur une highway, quitte à faire le tour de la ville encore et encore, plein tube. On se dit aussi qu’on peut enfin écouter la centaine de morceaux d’artistes parfois hyper confidentiels que les concepteurs ont eu la générosité de nous donner à entendre. Parce que c’est vrai qu’avant, dans le feu de l’action, conduire en musique sous les balles et les grenades, c’était pas gagné. Et puis petit à petit même en musique et en bagnole, ce nouveau luxe si bien mérité, on se sent seul. La paix est un cauchemar, le paradis c’est l’enfer, la justice le pire des crimes. On hésite alors à tout dézinguer, à vider son chargeur sur les passants, à faire sauter les voitures des flics, pour qu’enfin il se passe quelque chose, que ce monde sorte de sa torpeur et surtout que le jeu recommence. Déambuler, se laisser aller à la contemplation n’est tolérable que pendant un court moment, après quoi c’est nous qui sommes tentés par le crime. Le jeu nous renvoi ainsi par une belle pirouette à nous-même. Ce que nous voulions nous l’avons, mais ce que nous avons, ce n’est pas ce que nous désirions vraiment. Nous avons payé pour l’action, pour les guns et les explosions invraisemblables, nous sommes le criminel. Rarement un jeu nous a semblé avoir si bien posé un tel retournement dialectique. Nous ne voulions pas la paix, elle n’était qu’un chemin vers la guerre que nous ne voudrions jamais voir s’arrêter ; nous voulions tout simplement jouer encore et encore.
JD Crédit photographique : Canal n°2, série Victims par Rémy Russotto