Article de Gazeta Wyborcza paru dans le Courrier International du 19 juillet 2007
Alexandre Kazouline croupit en prison depuis mars 2006 pour s'être opposé au régime. Affaibli par une longue grève de la faim, il ne tiendra pas jusqu'à sa libération, s'inquiète sa famille.
Il y a tout juste un an, Alexandre Kazouline a été condamné à cinq ans et demi de travaux forcés. Officiellement pour "hooliganisme" et pour "avoir organisé des actions collectives, ou y avoir participé, troublant l'ordre public", mais en réalité pour avoir osé tenir tête au dictateur. Ce professeur de mathématiques âgé de 53 ans, ex-ministre de l'Education et ancien recteur de l'université d'Etat, devenu leader du parti social-démocrate biélorusse Narodnaïa Gramada et rival d'Alexandre Loukachenko lors de l'élection présidentielle de l'an dernier, a montré que le régime n'allait pas facilement avoir sa peau. Incarcéré depuis fin mars 2006, il a commencé une grève de la faim à l'automne pour protester contre les violations des droits de l'homme en Biélorussie. Il a tenu cinquante-trois jours, a perdu plus de 30 kilos et est tombé gravement malade. Ses codétenus, effrayés par son aspect, l'ont surnommé "bukhenvaldski krepykh" (le costaud de Buchenwald). Pendant ce temps, sa femme sillonne l'Europe en suppliant que l'on vienne au secours de son mari. D'une voix fluette, à peine audible, elle explique qu'il se trouve en danger de mort si on ne le transfère pas dans un hôpital en dehors de la prison. "Faites ce qui est en votre pouvoir pour qu'il soit au moins examiné par les médecins de la Croix-Rouge internationale", a-t-elle demandé à Varsovie, lors d'une séance du Parlement polonais. A ce jour, aucun médecin étranger n'a été autorisé à voir Kazouline. Il a repris une dizaine de kilos depuis décembre. "On lui donne un prétendu supplément de kacha [bouillie] servie par la cuisine de la prison, un demi-litre de lait et un morceau de viande par jour, mais mon père ne peut pas manger de viande", témoigne Olga, la fille de Kazouline.
"Dans le camp où il se trouve, Kazouline a le statut de ‘prisonnier personnel de Loukachenko'", explique Igor Rynkevitch, ancien avocat de la famille. Ancien, car les autorités l'ont rayé du barreau de Minsk pour avoir défendu l'ennemi de Loukachenko. Vitba-3, le centre de détention proche de Vitebsk où est incarcéré Kazouline, est, selon la nomenclature biélorusse, une prison en zone rouge, à savoir un pénitencier dans lequel l'administration a un pouvoir illimité sur les détenus. Ces derniers savent qu'ils seraient sévèrement punis s'ils approchaient le "prisonnier personnel". "Kazouline est enfermé dans une cellule avec une vingtaine d'hommes, mais aucun d'entre eux n'est autorisé à lui parler. En fait, il est seul. Il n'a personne à qui parler. Pour un homme aussi sociable que lui, c'est une calamité", soupire Rynkevitch. Selon lui, l'administration pénitentiaire à Vitba-3 surveille Kazouline en permanence, guettant la moindre infraction au règlement pour le punir. Il a ainsi été sanctionné pour s'être allongé, affaibli par la grève de la faim, alors qu'il était censé travailler. Une autre fois, il a mis des savates à ses pieds enflés, au lieu des bottes réglementaires. Deux punitions suffisent pour qu'il ne puisse pas profiter d'une libération conditionnelle. A la mi-juillet, la famille de Kazouline a été autorisée à lui rendre visite, pour la première fois depuis janvier 2007. " Il est seul, malade et étroitement surveillé. Je ne l'imagine pas pouvoir passer encore quatre ans et demi dans cette prison. Nous continuons à espérer que l'Europe et les Etats-Unis useront de leur influence sur nos autorités pour obtenir sa libération ", supplie Olga Kazoulina.
Waclaw Radziwonowicz
Source photo : kozylin.com