Biographie d'Ivo Pukanic : Ils l'ont attaqué et loué
Ivo Pukanic a dirigé l'hebdomadaire Nacional, il a écrit sur la mafia et les services secrets tandis que dans ses interventions publiques il n'appelait les politiciens que par leurs prénoms, en souhaitant laisser une impression de proximité.
Peu sont ceux qui restaient impassibles ou neutres face à son comportement, ses apparitions et activités. Controversé, contesté, loué, attaqué et défendu aussi bien en tant que journaliste que personnalité publique, Pukanic a toujours suscité une attention non dissimulée ainsi que des réactions.
L'hebdomadaire Nacional, pourrait-on dire, vivait et existait en bonne partie grâce à son énergie, et il était justement lu à cause des messages directs ou masqués que Pukanic envoyait dans ses textes provocateurs.
Il écrivait sur la mafia, les services secrets, maints scandales, secrets et autres coups fourrés de l'élite locale, que ce soit de la politique ou des affaires, à laquelle il souhaitait lui-même appartenir. Pourtant, il n'est pas parvenu ni ne voulait se borner à n'être qu'un observateur extérieur des événements sur cette scène, mais également son acteur et participant direct. En son temps, il avait eu pour ambition de devenir le président du HNS [le Parti populaire croate, N.d.T].
C'est ainsi qu'il n'avait pas seulement écrit sur les affaires mais qu'il les avaient générées et qu'il en avait été partie prenante. Sa personne même avait été au centre d'un scandale lorsqu'il avait voulu faire interner sa femme dans un établissement psychiatrique, si bien que sa propre vie privée avait été exposée au regard de toute l'opinion publique.
Les relations et les connaissances
Au travers du travail journalistique il avait noué de nombreuses relations et liaisons qu'il avait approfondies et sur lesquelles il avait bâti sa carrière souvent contradictoire.
En avril de cette année, une aggression sur sa personne avait eu lieu, mais il avait réussi à s'en sortir. C'est pour le relater qu'il était entré dans le monde de la haute politique, du crime organisé et des intrigues de coulisses...
Dans ses interventions publiques il appelait intimement par leurs prénoms le président de l'Etat Stjepan Mesic, l'ancien Premier ministre Ivica Racan et l'actuel Ivo Sanader sur un ton amical, en souhaitant toujours souligner la proximité et la liaison avec ces hauts fonctionnaires de l'Etat. Il entendait être omniprésent, comme si aucun événement politique et social important ne pouvait avoir lieu sans lui et ses observations.
Cependant, outre ces politiciens hauts placés, Ivo Pukanic partageait toute une série d'autres amitiés, souvent discutables, telles que celle avec Hrvoje Petrac qu'il justifiait et défendait dans les pages du Nacional contre les attaques le liant avec la mafia en Croatie.
Il était proche ami du général Vladimir Zagorec, qui attend aujourd'hui son procès dans la prison de Remetinec. Parmi ses proches amis on peut sans hésitation compter l'ancien directeur de la Dubrovacka banka Neven Barac. Pukanic avait en effet été l'un des premiers à avoir révélé l'affaire de la Dubrovacka banka. Il avait aussi écrit sur Cane Subotic et la mafia balkanique du tabac qu'il avait liée sans ambages avec l'actuel Premier ministre du Monténégro, mais aussi avec le défunt Premier ministre serbe Zoran Djindjic.
Une interview sujette à caution
Il avait suscité une grande attention locale mais aussi internationale par l'interview avec le général Ante Gotovina, qui était alors recherché par le Procureur de La Haye.
Ivo Pukanic était né le 21 janvier 1961 à Zagreb. Il fut un excellent élève, et plus tard il s'était vu doter d'une bourse de Tito, ce qui à l'époque de l'ex-Yougoslavie n'était octroyé qu'aux élèves doués et capables. Sa carrière journalistique il l'avait entamée quelque part entre la fin des années 70 et le début des années 80, en tant que photographe. Au milieu des années 80 il avait travaillé dans le prestigieux et populaire magazine Start basé à Zagreb.
Fonceur, communicatif, perspicace, Pukanic s'était rapidement creusé sa place au sein du journalisme. Après avoir obtenu son diplôme à la Faculté des sciences politiques, il travailla dans les éditions du Vjesnik.
Après que l'hebdomadaire Globus eut été lancé en 1991, Pukanic s'était inséré dans son travail, quoique son intérêt ne se portât pas encore sur la politique mais sur le simple show-biz. Toutefois, au fur à mesure où la Croatie s'était enfoncée dans la guerre, et que la politique avait pénétré dans tous les pores de la société, Pukanic s'était de plus en plus tourné vers ces thèmes.
Un journaliste récompensé
A la fin de l'année 1995, il abandonna Globus avec un groupe de journalistes pour devenir l'un des fondateurs de l'hebdomadaire politique Nacional, dont il fut le rédacteur en chef à partir de l'année 2000. La mort l'a attendu en tant que président de la Direction de NCL Media Grupa et l'un de ses propriétaires.
Pukanic avait été déclaré journaliste de l'année en 1999, puis un an plus tard on lui avait décerné le prix de l'Association des journalistes croates pour le journalisme d'investigation ainsi que le prix pour l'interview de l'année lorsqu'il s'était entretenu avec le général Ante Gotovina en 2003.
__________
Source : Jutarnji list, le 24 octobre 2008.