Nouvel accrochage au MAC/VAL, belle occasion de se promener dans les salles de ce musée que j’aime de plus en plus. Il y est question de voyage, thème un peu ténu, et le fil conducteur de photos de Melik Ohanian (présent partout cet automne, avec des degrés divers de pertinence, je trouve; l’installation au 104 étant la seule dont j’ai envie de parler) est peu convaincant.
que j’avais découverte à Lille, habite ses photos et vidéos, inconnue, invisible sinon de dos, avec sa longue chevelure noire, seul élément calme dans un monde tourmenté. Le voyage ici va du MAC/VAL à l’église Saint-Bernard, lieu mythique des sans-papiers; l’antique 404 est chargée de baluchons multicolores, tiers-mondistes en diable, on passe par la Bastille, c’est très politiquement correct. Mais c’est néanmoins une belle vidéo, poétique et énigmatique, où l’exil peut aussi être intérieur, où on peut se sentir apatride, sans-papiers dans son propre univers (Botari Truck Migrateurs).
Sarkis, éternel exilé, citoyen de sa mémoire, s’inscrit bien dans cette logique du déracinement. Il montre ici un bateau, à deux échelles, la coque du navire éclairé qui nous écrase, qui nous emmène vers un monde meilleur, et le jouet qui nous permet de rêver à ces voyages.
Deux découvertes : le québécois Michel de Broin, dont l’installation complexe et humoristique résout le problème de la pénurie de pétrole. Les conducteurs devenus obèses par manque d’exercice produisent de la graisse par liposuccion, laquelle graisse est transformée en carburant, leur permettant de continuer à conduire et donc de refaire de la graisse. C’est la transesterification, vocable chimique quasi théologique. C’est à la fois drôle et inquiétant, la démonstration scientifique et
économique (le litre d’essence de liposuccion coutera 456 euros) baigne dans une lumière de fin du monde. Il y a aussi à côté une machine d’interpénétration, avec succion et pompe à vide, incompréhensible, mais érotique en diable.
Autre découverte, infiniment plus poétique, Cécile Paris et ses vidéos douces et dépouillées : un skater en survêtement blanc sur une route dans les phares d’une voiture, accompagné de la musique sirupeuse d’Ornella Vanoni (Bianca), un portier
d’hôtel new-yorkais au bord de l’Hudson au soleil couchant se défaisant de sa veste galonnée (The Doorman). Trois fois rien, des instants fugitifs, mais capturés avec talent et émotion (belle pièce d’elle ici aussi; passez du temps sur son site).
Et enfin, ce superbe Velickovic sorti des réserves, tragique et violent, comme toujours. Selon que vous finirez votre visite par Cécile Paris ou par lui, votre soirée ne sera pas la même.
Sarkis et Velickovic étant représentés par l’ADAGP, les photos de leurs oeuvres seront ôtées du blog dans un mois. Photos Kimsooja 1, Broin 1 et Velickovic courtoisie du Musée; autres photos de l’auteur.