Mange, ceci est mon corps

Par Rob Gordon

Lorsqu’on s’appelle Michelange, il doit être difficile de garder la tête froide et de ne pas se prendre pour un grand artiste. Le réalisateur de Mange, ceci est mon corps se nomme Michelange Quay, et il a incontestablement chopé la grosse tête. Preuve en est avec ce calvaire d’une heure quarante-cinq, qui ne raconte rien, ne dit rien, et se contente de nous asséner des métaphores pachydermiques du début à la fin. Ceux qui raillaient récemment La frontière de l’aube en affirmant que le film de Garrel ressemblait à une parodie de film d’auteur feraient bien de se pencher sur ce film-ci, qui repousse toujours plus loin les limites du risible.
Mange, ceci est mon corps, c’est cent cinq minutes de gens qui marchent dans des couloirs sombres, de gens immobiles dans les mêmes couloirs, de gens qui jouent du piano mais sans le son, de gens répétant sans cesse la même phrase ou le même mot, d’enfants noirs dépiautant un gros gâteau avec les doigts, de monologues sursignifiants (pauvre Catherine Samie). Même les plans les plus beaux, car il y en a, sont immanquablement gâchés d’une façon ou d’une autre par l’orgueil bouffi du pseudo metteur en scène. Quant à Sylvie Testud, on voit mal ce qu’elle est allée faire dans cette galère totale.
Le pire, c’est que tout cela est conçu comme une radiographie de la vie haïtienne, des affres de la colonisation, du poids du passé. Mais comment être dupe face à ce ramassis de néant ? Il n’y a pas la moindre matière politique ou sociologique là-dedans. Rien que de la frime pure et dure, de l’auteurisme forcé et nauséabond, qui donne envie à chaque seconde de quitter son siège et d’aller vaquer à d’autres occupations, forcément plus intéressantes que cet affligeant navet.


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(également publié sur Écran Large)