Pourtant, je crois que l’esprit, par le biais de l’art et des rêveries notamment, peut transformer cette perception. Pour certains phénoménologues, c’est l’émotion qui organise notre rapport au monde (dit « Dasein » : « l’être au monde »). Aussi est-il remarquable de voir à quel point ce triste de trajet peut d’un seul coup être envahi par des particules de musiques, des idées métaphysiques, des phrases littéraires. De constater à quel point il est permis d’imprégner ces pauvres bâtiments d’imaginaire, de changer leur perspective, de les rendre gigantesque et pleins d’intrigues. Et il ne s’agit pas d’une évasion de l’esprit, bien au contraire : la pensée plonge dans le monde et le transforme, lui insufflant une nouvelle vigueur poétique. C’est à mon avis l’un des grands pouvoirs de l’art : celui d’être convoqué n’importe quand, et de rendre au monde, même dans ses recoins les plus pauvres, sa part de mystère et d’absurdité fantastique…