Quand John et Barack s’estiment avec humour

Publié le 22 octobre 2008 par Sylvainrakotoarison

Quelques semaines avant chaque élection du Président des États-Unis, le dîner de la Fondation Al Smith réunit les deux principaux candidats (républicain et démocrate) dans un exercice d’autodérision et de compliments mutuels. Voici le 4e débat présidentiel.
Une émission sur Arte il y a une dizaine de jours analysait le rôle du Président des États-Unis dans la fiction, au cinéma ou dans les séries télévisées, et constatait que le Président américain était toujours considéré comme un héros, capable de sauver le monde.
Or, la vision a complètement changé avec Bill Clinton qui a accepté de réduire la distance avec ses administrés, si bien que chacun pouvait dire qu’il aurait pu être à sa place. Il avait même fait un petit court-métrage à la fin de son second mandat pour rire de son sort, le montrant s’ennuyant, faisant la lessive, donnant à manger aux poissons etc.
Si cette séquence avait choqué une partie des Américains, cette autodérision est pourtant bien ancrée dans la mentalité américaine, et c’est un atout pour détendre l’atmosphère dans un contexte national très tendu.
Le dîner de la Fondation Al Smith
Un grand dîner a eu lieu le 16 octobre 2008 à New York, en présence du maire de New York, Michael Bloomberg, du gouverneur Patterson, du sénateur Schumer, de Hillary Clinton, de Henry Kissinger… et bien sûr, des deux candidats John MacCain et Barack Obama qui se retrouvaient une petite nuit seulement après leur âpre et dernier débat présidentiel.
L’objectif de ce 63e dîner était, comme chaque année, de collecter des fonds de charité en faveur des enfants défavorisés (le dîner aurait rapporté 4 millions de dollars) et porte le nom du premier candidat démocrate catholique, Al Smith, battu par le Républicain Herbert Hoover en 1928, juste avant la Grande Dépression.
Tous les quatre ans, la rencontre des deux candidats à l’élection présidentielle ajoute donc du piment dans ces bonnes œuvres.
Plaisanteries préparées
En écoutant les propos tenus successivement par les deux candidats américains, mêlant respect, intelligence, politesse et humour, on se dit qu’il serait bien difficile de les obtenir des candidats français, qu’ils soient Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, Jacques Chirac et Lionel Jospin ou Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand.
En effet, loin de l’improvisation, chaque candidat a sorti des boutades pour se moquer de ses propres errements au cours de sa campagne, un peu à la manière des repas de mariage. Une grande dose d’assurance, d’humilité et d’humour était donc nécessaire pour parvenir à faire rire la salle comble.
Jugez-en quelques morceaux choisis.
John MacCain
MacCain s’est moqué de lui-même en annonçant qu’il a renvoyé toute son équipe de campagne et qu’il l’a remplacée par l’unique Joe le plombier. Un plombier pourtant pas si apolitique et pas si plombier que cela.
Interpellant Hillary Clinton (qui assistait au dîner), MacCain lui a demandé où était Bill.
Et reprenant un vieil argument des primaires démocrates où Bill Clinton remettait en cause les capacités d’Obama à assurer la Présidence des États-Unis, le candidat républicain expliqua qu’à un journaliste lui demandant si le sénateur Obama était qualifié pour être Président, Bill Clinton a répondu : bien sûr, il a plus de 35 ans et c’est un citoyen américain.
MacCain a évoqué également les manières louches de l’organisation démocrate ACORN chargée d’inscrire des nouveaux électeurs sur les listes électorales en disant qu’ils ont inscrit sur les registres de Floride Mickey Mouse, mais qu’il ne protesterait pas car il était sûr que Mickey votait républicain.
Il est revenu aussi sur son méprisant "that one" en disant qu’Obama lui a bien donné le surnom de "George Bush". Il a admis pouvoir être un "franc-tireur" mais laisse le rôle de "messie" à Barack Obama.

Barack Obama
Réfutant d’être le "messie" (comme le désigne beaucoup de ses supporters), Obama a révélé qu’il n’était pas né dans une crèche mais sur Krypton et qu’il est chargé de sauver la Terre.
Obama a continué en disant que "Barack", ça veut dire "that one" en swahili et que son deuxième prénom, Hussein, venait de « quelqu’un qui ne pensait pas que je serais un jour candidat à la Présidence »
Obama a aussi appelé son colistier Biden "Joe le sénateur" en référence à "Joe le plombier".
Le candidat démocrate a raconté que le maire de New York (présent au dîner) avait annoncé qu’il allait réécrire le code électoral pour lui permettre de faire un troisième mandat et alors Bill Clinton lui a dit : "Tu peux faire ça, c’est vrai ?".
Le sénateur de l’Illinois a flatté Hillary Clinton en lui disant qu’elle a été un des plus formidables candidats à l’élection présidentielle de l’Histoire, qu’elle a brisé les lignes, qu’elle a inspiré des millions de personnes… et qu’elle était la première cause de tous les cheveux gris qu’il a désormais sur la tête.
Rappelant quelques polémiques sur ses anciennes fréquentations, Obama a reconnu avoir copiné avec des mauvaises personnes : « J’ai appartenu au Sénat des États-Unis. Mais ça me revient, John, je suis sûr que je t’ai vu à l’une de nos réunions. »
Plus sournoisement aussi, Obama a fait référence aux nombreuses maisons de MacCain en exprimant sa compassion pour ce dernier : « John MacCain est touché huit fois plus durement par la crise immobilière. ».
Aucun des protagonistes n'a osé évoquer Sarah Palin (dont les nombreuses turpitudes pourraient prêter le flanc à la dérision) alors que Joe Biden a été évoqués par les deux candidats (MacCain parlant à son sujet de "Joe the Six-term senator"). Barack Obama s'est apparemment toujours refusé d'attaquer directement Sarah Palin, peut-être par galanterie.

Et à la fin de leur petit discours, chacun a rendu hommage à son concurrent.
MacCain a laissé la parole en disant à l’assistance : « Préparez-vous à de l’hilarité non stop. Le quart d’heure le plus amusant de votre vie. » pour introduire Obama qui lui a rendu l’amabilité en affirmant qu’il était très honoré d’avoir partagé cette soirée et cette campagne électorale avec celui qui a servi ce pays « avec honneur et distinction »
Se caricaturer, jouer son propre rôle
Sorte d’auto-bêtisier, ce dîner fut une trêve de courte durée dans une campagne assez dure de coups bas et de désinformations provenant des deux camps. Il montre la capacité des hommes politiques américains à rire de leurs propres boulettes. C’est oxygénant.
Ce 22 octobre 2008, à moins de deux semaines de l’élection, Barack Obama s’envole littéralement dans les sondages.
Il jouit d’une confortable avance, quasi-insurmontable, face à John MacCain avec une moyenne de plus de 7% (certains sondages, les plus récents, lui donnent même 10% et 14% d’avance) et atteindrait 286 grands électeurs probables dont 259 sûrs alors que MacCain n’en aurait que 160 dont 137 sûrs (il en faut 270 pour être élu).
La lutte fait rage surtout dans l’Ohio (20 grands électeurs), la Floride (27) et la Caroline du Nord (15) où les deux candidats sont quasiment ex-aequo.
Gageons que ce sera dans ces États-là que les deux candidats termineront leur campagne.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (22 octobre 2008)
Pour aller plus loin :
MacCain toujours en lisse.
Verbatim du dîner Al Smith.
Qui est Al Smith ?
Qui est Joe le plombier ?
Agenda des manifestations françaises pour les élections américaines.
Sondages au jour le jour.
Vidéo du dîner Al Smith.



http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=46193

http://fr.news.yahoo.com/13/20081023/tot-quand-john-et-barack-s-estiment-avec-89f340e_1.html


http://www.lepost.fr/article/2008/10/30/1302097_quand-john-et-barack-s-estiment-avec-humour.html