Qu'est-ce qu'il faut pas faire…

« La renommée claironne mon nom aux quatre coins du globe», écrivit Jules Bonnot avec son sang dans sa dernière lettre, peu de temps avant l'assaut de la maison de Choisy où s'était retranché le leader de la célèbre bande. La formule était osée, car cet accès de lyrisme lui fit oublier les notions élémentaires de la géométrie...  Dans les années 60, John Lennon se gargarisa d'une autre formule restée célèbre  : «Nous sommes plus populaires que Jésus-Christ ». Toutes proportions gardées, je ne me débrouille pas si mal.

Figurez-vous déjà que je compte Madonna parmi mes amis Facebook… On fait moins l'intéressant, maintenant, hein ? Eh ben si, c'est une amie, Emmanuelle (pas la sœur…), qui m'a démasqué parmi les 347 772 fans de la Couine de la Pop. Bon, j'avais créé un avatar pour dissimuler ma modestie naturelle. Mon nom complet, en anglais, ça se dit Holly Spirit (l'esprit saint, pour les mal-comprenants). La Madone n'y a vu que du feu sacré. Faut dire que je fais un peu partie de sa Sainte Famille, elle qui ne peut pas faire un spectacle sans mettre des croix partout. C'était normal que je mette ma notoriété et mon entregent en haut lieu au service de sa carrière naissante.

Moi, je préfère rester dans l'ombre, lui donner un coup de main quand il faut, sans que ça se voit. Comme en ce moment, avec son mariage qui bat de l'aile… Elle a le chic pour aller se fourrer dans de drôles de guêpiers (et aussi dans de belles guêpières, il faut lui reconnaître ça). Si je ne l'avais pas sortie de là, elle serait encore pom pom girl dans le Michigan. Tiens, Lourdes, le nom de sa première fille, c'est moi qui lui ai soufflé sans qu'elle s'en rende compte. Elle ne l'a pourtant pas eu par l'opération du Saint-Esprit, sa gamine, mais par l'intermédiaire de son coach sportif. “Like a virgin", mon œil…  C'est vrai qu'avec sa manie de jeter sa petite culotte partout où elle passe, ça suscite des vocations pour se retrouver In bed with Madonna… On n'est pas de bois. Moi le premier.

Mais je ne contente pas de faire jouer mes accointances divines pour rallier les internautes : je fais aussi ce qu'il faut pour développer mon réseau. Mon récent article sur les mi-bas a suscité un intérêt vaguement graveleux et rajouté du même coup quelques dizaines de visites à mon compteur de fréquentation. Le sexe, le people, il n'y a que ça de vrai pour booster une audience. Là, par exemple, j'ai pensé à mettre une photo de Madonna un peu presque carrément à poil pour illustrer la note. Ça devrait m'attirer quelques lecteurs supplémentaires. Les mélomanes sont de grands timides... On n'appâte pas des mouches avec du vinaigre balsamique. Et encore, la Madone cache son intimité derrière sa guitare. La prochaine fois, je mettrais une photo où elle joue du triangle. Je vais être surclassé Premium chez mon fournisseur d'accès, d'autorité !

Maintenant que je tiens les recettes miracle, il faut que je continue. A part le sexe, qu'est-ce qui pourrait bien m'apporter du trafic ? Je ferais bien une note sur le salaire des cadres, ou sur l'immobilier en région parisienne, mais j'ai l'impression que ce n'est pas le bon moment. La Défense s'écroule et la pierre s'effrite. Une note sur Sarko ?  Non, quand même pas… Le dernier Mac book ? Faut voir, c'est pas idiot. D'autant qu'avec les rumeurs sur la santé de Steve Jobs, ça peut aider.

Ah si, les séries télé. Desperate Housewiwes… Génial : je touche en plein la cible féminine, j'attrape les fans de Tony Parker (avec Eva Longoria) par le colback. Un petit coup de Grey's Anatomy par là-dessus, et hop, je culbute les statistiques. Alors que si je fait une note sur Joël Avril, le jardinier de France Info, mon audience risque de ressembler au CAC 40 en ce moment. Vous imaginez : « Ma vigne vierge a attrapé le mildiou. Avez-vous la recette de la bouillie bordelaise ?…» Rien de tel pour plomber l'ambiance. Sauf si je raconte qu'il a eu une aventure avec Gabrielle, l'un des héroïnes de Desperate Housewiwes. Elle est canon, celle-là. Mais elle est aussi incorrigible: lors de la première saison, la latina trompait déjà son mari Carlos avec John, le tailleur de haies. Dans la remise… C'est plus le Saint-Esprit, là. C'est carrément le buisson ardent.