Réforme : Borloo qui rit, Boutin qui pleure

Publié le 22 octobre 2008 par Juan
Deux ministres ont connu des fortunes opposées au Parlement. Jean-Louis Borloo, ministre du développement durable, s'est félicité de l'adoption à la quasi-unanimité par l'Assemblée Nationale de sa loi "Grenelle 1". A l'inverse, Christine Boutin, la ministre du Logement, a vu son assouplissement de la loi SRU à la quasi-unanimité par le Sénat.
Le Grenelle des belles intentions
Il eut été difficile (quoique) à l'opposition de refuser de voter les dispositions de la loi Borloo. D'autant plus que les 150 amendements proposés par la gauche ont été acceptés. Cette dernière est un catalogue de bonnes intentions, le financement des mesures étant reporté à une seconde loi. de surcroît, la question énergétique (quelles énergies pour demain) n'est pas franchement abordée. Trois députés Verts se sont abstenus, un quatrième a voté pour.
Rappelons que Jacques Chirac avait également reçu le soutien de l'opposition (de gauche) lors de la révision constitutionnelle qui intégrait le respect de l'environnement dans la loi fondamentale.
La loi (cf. le texte intégral ici) énonce de nombreux voeux (constat partagé d'une urgence écologique, principe de compensation des atteintes à la biodiversité, "devenir l’économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d’ici à 2020" (article 2), réduction des consommation d'énergie des bâtiment (art 3 et 4), etc) et se fixe quelques objectifs de résultats : retrait des lampes à incandescence à compter de 2010, rénovation complète de 400 000 logements par an à compter de 2013 (on ne prend pas de risque !), rénovation des logements sociaux (40 000 en 2009 jusqu'à 70 000 par an après 2011), etc).
A noter, grâce à l'opposition, la charge de la preuve est inversée, et revient donc aux responsables de décisions non respectueuses de l'environnement, et non aux associations. A eux d'apporter la preuve qu'une décision alternative plus favorable à l'environnement est impossible à un coût raisonnable.
Logement: la catastrophe sociale évitée de justesse.
L'entêtement de la ministre du Logement à maintenir son projet d'assouplissement de la loi SRU est-il symptomatique de l'attitude gouvernementale en matière sociale en période de crise ? Rappelons que Christine Boutin, appliquant la promesse présidentielle de favoriser la propriété immobilière, avait prévu d'intégrer l'accession sociale à la propriété dans le calcul du plancher de 20% de logements sociaux que chaque commune doit respecter d'ici quelques années. Seuls comptaient jusque-là les logements sociaux loués aux ménages modestes. La récession actuelle fragilise les ménages endettés et assèche les capacités de crédit immobilier. Pourquoi donc s'entêter ?
Le Sénat a donc rejeté par 314voix contre 21 le funeste article lundi 20 octobre. François Fillon a annoncé mardi qu'il voulait que l'Assemblée Nationale réintroduise l'article supprimé. Les votes ont été plus serrés pour la suite: le texte ainsi amendé a été adopté par 183 voix contre 152. Il prévoit notamment l'abaissement du plafonds de ressources (d'environ 10% pour l'an prochain), ce qui risque d'évincer du logement social une fraction de locataires. Voici un extrait des débats au Sénat :
Mme Bariza Khiari. - "La diminution de 10 % des plafonds de ressources, associée à l'augmentation du supplément de loyer de solidarité, aura de très lourdes conséquences pour les locataires concernés. Ces derniers bénéficient certes de revenus corrects mais pas nécessairement suffisants pour occuper un logement dans le secteur privé. Les évincer du logement social romprait un équilibre social et serait contraire au principe de mixité. Voici quelques cas concrets.
Un couple occupe un appartement de 73 m2 à Paris ; il dispose de 53 000 euros de revenus annuels et dépasse de 51 % les plafonds de ressources. En 2008, il acquitte un supplément de loyer de solidarité de 150 euros par mois ; à compter du 1er janvier 2009, il en acquittera 384. Si nous adoptons le texte, le supplément passera à 740 euros mensuels, soit une somme supérieure au montant de leur loyer -633 euros. Ce couple devra donc payer chaque mois 1 373 euros, soit l'équivalent d'un loyer dans le parc privé."
In fine, la loi adoptée prévoit d'étendre le dispositif de la maison «à 15 euros par jour» au secteur collectif (afin "de faciliter pour les HLM le rachat de projet de construction à des promoteurs privés qui n'ont pas trouvé d'acheteurs"), de favoriser la mobilité dans le parc HLM, de mettre en place un dispositif de veille sociale des sans-abris et ... de faciliter les expulsions. les sénateurs socialistes ont voulu conditionner les expulsions à l'existence d'un logement de remplacement. La ministre a expliqué en séance que cette disposition serait ... anti-constitutionnelle (sic !): "le Conseil constitutionnel a déjà censuré le fait de conditionner le recours à la force publique à une offre de relogement."
Les prochaines "réformes"
Roselyne Bachelot a présenté son projet de réforme de la santé en Conseil des ministres, le projet «Hôpital, patients, santé et territoire». Là encore, la menace sociale est dans l'intention de rapprocher les établissements de soin. La ministre a promis qu'aucun hôpital ne fermera, mais certains devront se spécialiser. On encore quelque peine à voir aux détriments de qui les économies budgétaires seront réalisées, car le projet ne chiffre pas ses objectifs.
La réforme de l'audiovisuel public tout comme la simplification de l'enseignement en classe de seconde sont également à l'étude.
Le gouvernement prépare également des mesures fiscales pour la fin de l'année, notamment en matière de fraude fiscale: augmentation de la retenue à la source sur les revenus versés à des personnes situées dans les paradis fiscaux, renégociations des conventions fiscales avec ces mêmes Etats, exclusion des contribuables concernés de certains régimes de faveur (le régime des fusions, à l'abattement applicable aux dividendes et à l'exonération des plus-values des particuliers) . Concernant les particuliers, l'existence d'un bouclier fiscal à 50% réduit l'importance du durcissement promis.&alt;=rss