Alain Marc lit Pierre Garnier le samedi 25 octobre 2008

Par Angèle Paoli
Agenda culturel



LES SOLDATS SONT VENUS

les soldats sont venus
parfois par les prairies
parfois par les sentiers

ils sont arrivés dans les villes
ils y amènent la campagne
puis ils partent au front
il faut s’habituer à leur mort géante

les soldats chantent avec les oiseaux
ils reviennent d’anciens printemps

puis arrive la splendeur,
les résistants parmi les arbres, avec les arbres,
ce sont des hommes
dont les mains sont couvertes de bourgeons

on passe des tracts sous les portes
c’est le passage de la nuit étoilée

la grand’mère reste immobile devant son bol de lait
elle dit « c’est un beau paysage »

puis elle tisonne le feu
on entend les crépitements

elle dit « la mort est blanche »

à la fin elle rêve ; elle allume sa bougie
« C’est pour éclairer la barque »

dans les poèmes il y a des vallées
où lapins et perdreaux se cachent

parfois la charrue s’arrête
— alors le paysan détèle son cheval blanc
et ils s’en vont tous deux dans le poème
[…]

Pierre Garnier, L’Immaculée Conception (Litanie), édition bilingue français/allemand, collection « Sources », Éditions En forêt/Verlag im Wald, 2001, pp. 60-62.


2008, ANNÉE PIERRE GARNIER

  Les 80 ans de Pierre Garnier (né le 9 janvier 1928 à Amiens) continuent de faire l’objet d’un très grand nombre de manifestations commémoratives, comme celle annoncée sur l'affiche ci-dessus (lectures publiques et publications promues pour la plupart d’entre elles par le Conseil régional de Picardie). Occasion est donnée de balayer quelques clichés qui continuent de courir sur le poète Pierre Garnier et de replacer au devant de la scène son épouse, la « poète spatialiste » Ilse Garnier (née en 1927).

  À trop vouloir définir Pierre Garnier comme « poète spatialiste » et « initiateur du spatialisme », on en arrive le plus souvent à faire l’impasse sur la dernière période (tout à fait remarquable) de la création du poète. Une période représentée par une « poésie linéaire » qui contrebalance et parachève la « poésie visuelle » des périodes antérieures. Ce dont rend déjà compte, et ce dès 1968, l’ouvrage Perpetuum mobile, publié aux éditions Gallimard.

  L’autre remarque porte sur Ilse Garnier. Accoler systématiquement le nom d’Ilse Garnier à celui de Pierre Garnier, c’est oublier qu’Ilse Garnier est une poète à part entière et que, depuis 1979 (date de publication du premier recueil signé du seul nom d'Ilse Garnier, Blason du corps féminin), Ilse Garnier a publié une vingtaine de recueils poétiques sous son nom.

  À signaler enfin tout particulièrement, en cette année Pierre Garnier 2008, la publication, en mai 2008, de l’ouvrage 1916, La Bataille de la Somme, poème de Pierre Garnier illustré par l'artiste irakienne expatriée Sausen Mustafova (=>diaporama).



PIERRE GARNIER

Voir/écouter aussi :
- (sur UbuWeb Sound) Pierre Garnier disant « Souffle Manifeste » (1962).



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