
Et ça tient. La barre ne branle plus, l'eau suinte modérément par la mèche. Rattrapé par la peur, au bout de trois jours, Jim me demande de le débarquer aux Bermudes. Nous n'y passons pas, le vent est dans le nez, je lui promets les Açores. Un coup de vent viril marque notre remontée vers le nord, Houle de 5-6 mètres, impression 10m. ça plane à 16 noeuds au portant dans les surfs; la nuit suivante est moins drôle, sous grains violents. Heureusement que je ne dispose pas d'anémomètre car j'aurais probablement le vertige. Mouchoir à l'avant, trois ris dans la toile, les 30° de changement de direction occasionnés par les grains nous positionnent à la perpendiculaire des vagues que je surfe non stop, de nuit, pendant près de deux heures, accroché à la barre, en essayant d'éviter le départ au lof. Les 12 tonnes, dérive relevée, dévalent une mer dure, sur la même onde, et soulèvent une vague d'étrave qui douche le cockpit de façon continue. Surfer aussi longtemps sur la même vague avec un tel rafiot est un expérience nouvelle et probablement unique... On ne voit pas l'étrave. Et puis enfin ça se calme. On est plus ou moins à mi-chemin entre les Turks et les Açores : 10 jours que nous sommes partis, encore à peu près la même chose avant l'escale.
Nous avons enfin atteint les 40èmes nord et ses queues de dépressions. Il fait plus frais. L'ambiance tropicale des caraïbes est loin, le rythme des quarts est établi. C'est bon. Ambiance hauturière telle que décrite comme personne par Adlard Coles "Un petit monde compact et reférmé sur lui-même. La vie à terre nous devient aussi étrangère que celle d'une autre planète". Que dire sinon? Pas grand chose, c'est indescriptible et unique....