Holbrooke et Ashdown craignent la désintégration de la Bosnie
La Bosnie menace de se désintégrer si la communauté internationale ne se préoccupe pas davantage des divisions qui la menacent, estiment deux anciens diplomates ayant eu à connaître de près ce dossier.
L'ex-secrétaire d'Etat adjoint américain Richard Holbrooke, artisan des accords de Dayton ayant mis fin à la guerre dans l'ex-république multiethnique yougoslave, et le Britannique Paddy Asdown, ancien haut représentant de la communauté internationale à Sarajevo, estiment qu'il faut à nouveau se pencher sur la Bosnie.
"Il y a exactement 13 ans, le leadership américain a mis un terme à la guerre de Bosnie à travers l'accord de paix de Dayton", rappellent les deux hommes dans un article qu'ils cosignent dans un quotidien bosniaque.
"Comme en 1995, l'unité et la résolution transatlantiques sont nécessaires pour ne pas se laisser entraîner dans une nouvelle crise. Il est temps de prêter de nouveau attention à la Bosnie si nous ne voulons pas que les choses se gâtent rapidement. Aujourd'hui, nous devrions tous connaître le prix à payer en pareil cas."
Le traité de Dayton a divisé la Bosnie en deux régions autonomes, la République serbe et la Fédération islamo-croate, qui coexistent tant bien que mal sous le parapluie d'un gouvernement central faible basé à Sarajevo.
Les tensions se sont exacerbées avec l'accession au pouvoir en 2006 de deux adversaires, le musulman Haris Silajdzic à la présidence collégiale bosniaque et le Serbe Milorad Dodik à la tête du gouvernement de la République serbe.
"Dodik professe son respect des accords de Dayton et Silajdzic souhaite les réviser, mais tous deux violent leurs principes de base : un système fédéral avec un seul Etat. Cet antagonisme toxique est au coeur de la crise bosniaque d'aujourd'hui", écrivent Holbrooke et Ashdown.
A leurs yeux, "les suspicions et craintes à l'origine de la guerre en 1992 sont réactivées" et cette situation est imputable à "une communauté internationale distraite", les Etats-Unis ayant tourné le dos à la Bosnie et l'Union européenne ayant manqué de stratégie cohérente dans ce pays.
La désintégration de l'ancienne république yougoslave pourrait être évitée, jugent les deux diplomates, à condition que l'UE prenne conscience de la réalité actuelle et que la nouvelle administration américaine s'engage activement pour la survie de l'Etat bosniaque par une présence militaire effective.
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Source : Lepoint.fr, le 22 octobre 2008.
Rem : Cet article peut être rapproché de celui paru aujourd'hui sur le Courrier des Balkans, où l'on voit que les Anglo-saxons sont en train de dramatiser la situation en Bosnie-Herzégovine afin de s'engager "activement pour la survie de l'Etat bosniaque par une présence militaire effective." A mon avis, les Américains qui ont "tourné le dos à la Bosnie", dès lors où ils ont été "distraits" par la guerre en Irak, tentent de revenir en force parce qu'il craignent que les Balkans ne s'organisent selon l'axe Athènes-Belgrade-Europe-continentale, via le Corridor 10, le long duquel s'organisera probablement le gros de la production et du flux des marchandises. Cet axe reléguerait à l'arrière-plan celui horizontal Bulgarie-Macédoine-Albanie(-Monténégro ?), traditionnellement à leur solde, par où faire transiter leurs troupes et leurs oléoducs. Tous ces diplomates anglo-saxons ont parfaitement raison de souligner que la situation en Bosnie-Herzégovine n'est pas brillante, néanmoins il reste à démontrer en quoi elle s'est aggravée à ce point pour justifier soudainement leurs hauts cris à l'unisson.