Ici la langue se cherche

Publié le 22 octobre 2008 par Lironjeremy

Et donc il s’agit toujours de saisir ce qui va, et dedans quoi on est pris de mouvant et confus, d’où sortent aussi parfois quelques éclats vifs, cinglants. Amusant de constater désormais avec l’usage blog comme la pratique de l’écriture ici est elle aussi prise dans ce flux (et c’est comme une mise en abîme), et comme au livre alors s’est substituée cette forme mouvante, discontinue. Contrairement au définitif du livre, le texte dans le blogne semble pas devoir s’achever, il se complète et mute continuellement, peut-être désespéré de son incapacité à se conclure. Ici la langue se cherche. Forcément on se souvient de Ponge.

J’imagine la plage,

une vague qui reflue.

Peut-être dans le fond une côte estompée. Le jeu d’oiseaux marins

dans le ciel qui virent sur l’aile et qu’on échappe.

Le rythme régulier et assourdissant d’un train qui passe le quai, une silhouette

devinée par intermittence dans l’intervalle découpé des wagons

sur le quai en face. Un homme qui marche

en forêt dans un paysage répété que l’on perd et reprend

et dont le visage danse dans un plan serré

au rythme de la marche. Le monde qui pivote

lorsqu’il s’arrête et roule un cigarette. Le rose de la peau par l’air frais.

Une jeune fille qui ne parvient pas à prendre la pose

devant un photographe, qui hésite

et qui bouge, qui éternise l’instant.

Ce restaurant routier croisé puis échappé comme on pivote autour.

Le vent dans les tamaris regard

au ciel qui remue des miettes de bleu.

Une playlist infinie par dessus toutes nos routes.

Un qui mime de conduire dans une décapotable et courbe le dos

et lance le menton. A l’arrière plan, une affiche.

Les rideaux qui dégueulent par une fenêtre ouverte flottés

par le vent. Longuement vous absorbent. Les derniers étages

affrontés au ciel que l’on bouge du regard. Tout au long des rues

et des cimes d’arbres penchées en travers les balcons

qu’on rabat les enseignes. Gens qui passent devant un banc

qui reste, qui n’en fini pas de rester. Les immeubles de la rue

qui défilent un instant dans un plan horizontal. Et l’échappée

à l’envers dans le rétroviseur.

Le paysage alors comme un bandeau souple

tenu par le vent.

Le regard absorbe les choses dans son jeu avec désinvolture.

Le plan tremblé d’un cargo au loin.

La rampe simple piquée de rouille sous les couches de peinture.

Le vent dans les rayures bleues des parasols tout

est immobile sinon le souffle vers la mer. Un hôtel

sur la plage à l’arrière saison comment il est ancré

on pense à une tortue vieille. Les filles qui rigolent

dont on perd le sourire, les jambes qui pédalent

et que l’on revoit rire

et l’équilibre précaire d’un pédalo blanc. Alors un éclat de ciel.

Une mouette qui arpente la plage le regard brigand. Comme

les mains passés dans le dos. Et les habits glissés pour aller goûter l’eau.

Ces petits tas dont on se dégage les pieds. Nids de taupes tissus dans le sable

qu’on bascule. Des mollets qui s’échappent au devant

de la mer rattraper leur silhouette

entière avec des gestes. Ailleurs puisqu’on le regarde

il se fait plus glouton à avaler l’assiette et à bourrer sa bouche, penche

un sourire en grimaçant. Reviens à la fille

qui ne fait qu’imposer en mimant des sculptures une dureté pareille

avec l’élégance. Les visages qu’on rencontre

par le wagon qui vient en face, les regards accoudés

à la vitre inondés de pensée. Et puis ceux

que le trajet tremblote

devant nous en un portrait

de famille, lointains. D’un visage à l’autre.

La petite qui montre le tableau en remuant le doigt et,

tenant son discours, intrigué maintenant par ce doigt qui remue.

Celui jeté là en grande confusion

et comme se déploie le monde

vertigineusement depuis sa solitude.

L’histoire.

L’histoire est une tentative de faire tenir le monde.

Il n’est rien que l’on ne puisse qualifier

d’imagination.

Ils sont arrêtés sur un élargissement de route

et la ville sans doute se dessine en contre-bas. On la voit

marcher plus loin un peu faussement

d’être vue sans scénario. Il y a les terres mauvaises

et une végétation rare, épineuse. L’œil se pose

parfois sur un détail du monde

qu’il nous est donné alors de voir furtivement

avant que reprenne le mouvement.

Face qui vient à soi ou visage

comme l’angle raide d’un immeuble (effectivement à l’arrière)

imposer l’insistance de la ville, son empiètement complexe,

ses couloirs. Yeux baissés qu’on échappe. Et

balayer les lieux pour n’y relever qu’éperdument

la présence ordinaire des choses, la grille qu’on longe et syncope

à l’arrière ce qu’on y peut trouver, un pan de mur aveugle. Une vieille femme

penchée passe dans l’ouverture, tourne la tête, continue. D’autres encore

ont passés et les choses viennent à nous,

la poésie est cette intensité, le geste de regarder et

s’emporte dans les mouvements du monde.

Le paysage bouge sur lui même, à travers les arbres et après

les champs qui bordent la nationale, comme

de tourner autour d’une grosse chose subtile et

de parfois le perdre, parfois le ressaisir dans un éclair penché.

Et nous spectateurs d’un éternel défilé d’images.