Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, la question revient régulièrement dans les journaux, à la télévision, à la radio : le Président contrôle-t-il la presse ? Derrière la polémique actuelle, se cache une réalité historique : depuis le début du XXe siècle, pouvoir politique et médias entretiennent en France des liaisons tumultueuses, qui vont de la complicité à la haine.
Les enquêtes :
Vie privée des présidents : le pacte du secret
Début 1954 : dix millions de lecteurs de Paris Match découvrent le Président de la République, René Coty, se faisant servir la soupe du soir par sa femme Germaine… Le people-politique est né. Coty, comme après lui le Président du Conseil, Guy Mollet, a compris que, dans la conquête de l’électorat, l’intimité dévoilée est une arme. C’est le début d’un pacte entre politique et médias : les présidents mettent en scène leurs loisirs, la presse complice ne cherche pas la vérité derrière l’image. Georges Pompidou laisse les caméras filmer sa vie de couple, mais obtient une auto-censure totale sur son cancer. Valéry Giscard d’Estaing met ses deux filles à la Une des magazines, mais sait que ses nuits parisiennes ne seront jamais racontées. François Mitterrand orchestre ses promenades à Paris ou Venise, mais garde secrète pendant 13 ans l’existence de sa fille Mazarine, pourtant connue des patrons de presse. Mais ces dernières années, ce pacte du secret a volé en éclats. Pourquoi les leaders politiques voient-ils désormais leur vie privée étalée dans les journaux et sur le net ?
Télé : quand les têtes tombent
La mise à l’écart des journalistes qui déplaisent au gouvernement, c’est l’un des rites de notre Ve République depuis que la télévision a été requise par le Général de Gaulle pour être la voix du pouvoir politique. Dans le jargon télé, ces vedettes privées d’antenne rejoignent le « placard ». Du pionnier Joseph Pasteur évincé en 1962, jusqu’à Claude Sérillon en 1986, en passant par Philippe Gildas tombé en 1974, et Jean-Pierre Elkabbach, viré en 1981 avant de revenir comme un boomerang, voici l’histoire d’une sanction spectaculaire : le placard. Qu’est-ce qui déclenche la chute d’un journaliste-vedette de la télé ? A quoi ressemble la vie d’un placardisé célèbre ?
Scandales : les politiques « jetés aux chiens » ?
Le 4 mai 1993, à l’enterrement de Pierre Bérégovoy, François Mitterrand hurle : « Rien ne justifie qu’on jette aux chiens l’honneur d’un homme ! »… Le Président de la République accuse les journalistes d’être responsable de la mort de son ancien Premier ministre. Alors la presse peut-elle se muer en horde malveillante ? L’histoire politique de la France peut le laisser croire. De l’épouse du ministre Joseph Caillaux qui en 1914 s’abat sur le rédacteur en chef du Figaro pour stopper ses attaques contre son mari, jusqu’aux folles rumeurs de Toulouse en 2003, où les journalistes accusent à tort Dominique Baudis de complicité de crime sexuel. En passant par le suicide du ministre de l’intérieur Roger Salengro, en 1936, accusé à tort par les journaux d’extrême droite d’avoir déserté durant la première guerre mondiale et à la mort mystérieuse du ministre du travail Robert Boulin, en 1979, après une campagne de presse orchestrée par ses adversaires. Retour sur l’Histoire des relations les plus violentes entre presse et politique.
Canard Enchaîné : un siècle de révélations
En France, le Canard Enchaîné incarne le contre - pouvoir et la liberté de la presse. D’abord pacifiste durant la guerre de 1914, puis satirique entre les deux guerres avant de se lancer dans l’investigation dans les années 1960, l’hebdomadaire multiplie les révélations et fait trembler les pouvoirs successifs : les diamants de Giscard, le passé de Maurice Papon, le financement occulte du PS, les coûteux voyages de Chirac… Où l’hebdomadaire recueille-t-il ces infos confidentielles ? Sont-elles toujours fiables ? Qui sont ses informateurs ? Le Canard est il toujours resté indépendant du pouvoir politique ?
Crédit photo : France 3 / Charlotte Schousboe