Responsables : Marc BERNARDOT, Jane FREEDMAN, Jérôme VALLUY
L’asile sociétal, et avec lui la problématique de l’accueil des exilés à l’insu ou à l’encontre de l’Etat, apparaissent dans les périodes de l’histoire durant lesquelles l’action publique de mise à l’écart des étrangers tend à se radicaliser ; cette radicalisation pouvant se prolonger jusqu’au point ultime où la repression devient une persécution.
La comparaison entre l’entre deux guerres et la période actuelle en ce qui concerne les politiques relatives aux étrangers s’inscrit logiquement dans le cadre de cette réflexion collective sur l’asile sociétal qui a bénéficié des lumières de Gérard NOIRIEL, Danièle LOCHAK et Emmanuel TERRAY, lors de la Recontre TERRA n°24 sur les raisons et les limites d’une telle comparaison.
Souvent contestée, en un réflexe de sens conmmun, notamment à cause de son caractère inquiétant, la comparaison entre les années 1930 et 1980 fait l’objet d’analyses approfondies de la part de chercheurs reconnus sur le domaine des migrations et des politiques publiques s’y rapportant. Une bibliographie de textes en ligne permet de raisonner sur cette comparaison.
La protection d’exilés à l’encontre des autorités et de tous ceux qui entendent les rejeter, y compris vers ce qu’ils ont fui, correspond à une réalité anthropologique, parfois marginale, mais assez universelle. Du point de vue des sciences sociales, l’asile sociétal est donc un fait devant être étudié comme d’autres faits sociaux dans le respect des règles et méthodes d’observation de la recherche.
Dans cette perspective, le concept d’asile sociétal désigne un vaste ensemble de comportements et de processus sociaux mais aussi de problématiques philosophiques et sociologiques : l’héroïsme des "justes", ceux d’hiers ou d’aujourd’hui, mais aussi l’ignominie de ceux qui exploitent la faiblesse sociale des exilés ; la criminalisation des actes de solidarité par les autorités mais aussi les résistances internes d’agents publics ; les mobilisations sociales de défense des exilés, celles des instituteurs et parents d’élèves notamment, mais aussi la banalisation des rafles, enfermements et expulsions de masse ; l’intégration économique informelle par le jeu du marché mais aussi les réglementations de préférence nationale...
La Rencontre TERRA n°25 portant spécifiquement sur le concept d’asile sociétal a pris la forme d’un "brainstorming" collectif autour des multiples facettes et dimensions d’un objet de recherche et de mobilisation qui, sous de nombreux aspects, reste très largement à découvrir.
Ce concept d’asile sociétal désignant les actions et processus sociaux de protection des exilés à l’insu ou contre l’Etat conduit à s’interroger tant sur la légitimité éthique que sur les seuils d’acceptabilité sociale de la repression de ceux que des politiques publiques, celles conduites notamment des Ministères de l’Intérieur, tendent implicitement à désigner comme des ennemis de l’intérieur menaçant l’identité nationale.
Les figures sociales (juifs, communistes, nomades, terroristes, gauchistes, indépendantistes...) devenues cibles politiques et policières voire militaires d’appareils d’Etat radicalisés ne manquent pas au cours de l’histoire du vingtième siècle et semblent inclure aujourd’hui celle de l’exilé. Dans un contexte historique marqué par la montée des nationalismes xénophobes et par la stigmatisation des étrangers comme problème au travers de politiques publiques reflétant cette radicalisation (rejets massifs des demandes d’asile, sureprésentation des étrangers dans les prisons, restrictions législatives au droit d’asile, traques policières des sans-papiers, militarisation des frontières, prolifération des camps , intensification des rafles, expulsions de masses...), le débat théorique opposant légalité et légitimité se trouve réactualisé en ce qui concerne la défense des sans papiers notamment par les mouvements d’opposition aux actions policières d’arrestations et d’expulsions des exilés.
De quel côté est la raison ? Celui de l’Etat et du droit légitimes en démocratie ou celui de la résistance à des dérives politiques, parfois catastrophiques, dont l’histoire nous enseigne le caractère récurrent y compris en régimes démocratiques ?
La Rencontre TERRA n°27 offrira l’occasion d’y réfléchir : "L’aide aux sans papiers, entre légalité et légitimité : jusqu’où va la défense des ennemis de l’(I)ntérieur en démocratie ? " avec Marc Bernardot, Monique Chemillier Gendreau, Etienne Balibar, Danièle Lochak.
source : http://terra.rezo.net/rubrique113.html