Réflexion vingt-sept (25 novembre 2007)
Une diminution inéluctable des classes moyennes ?
Si l'on part du précepte précédent que notre organisation économique et sociale occidentale sera incapable dans la réalité de se réformer pour intégrer le concept du réchauffement climatique planétaire, ses conséquences, ainsi que de la raréfaction des ressources fossiles et minières, quelles conclusions peut-on en tirer ?
Dans cette optique, le comportement des pays émergents et des autres pays en développement devrait être relativement neutre, c'est-à-dire sans conséquence pour le devenir de l'organisation économique occidentale, si ce n'est pour celui de notre planète.
Cette vision assez pessimiste du devenir de notre société semble pourtant actuellement la plus probable, sauf modifications fondamentales de notre process de production et de consommation, et de notre organisation fiscale.
Il me semble évident que dans le cas où nos process de production et nos habitudes de consommation ne variaient pas au cours des prochaines décennies, les tensions actuelles au niveau de la disponibilité des ressources fossiles, minières, voire vivrières, s'accroîteraient de manière phénoménale, s'accompagnant d'un renchérissement de toutes les matières premières et de tous les biens produits. Evidemment, ces tensions et ces renchérissements s'accompagneront de tensions sociales croissantes un peu partout en Occident, un peu à l'image de ce qui se produit aujourd'hui en France autour de l'inflation, de la monnaie, des marges des industriels et des commerçants, et du pouvoir d'achat.
En effet, dans la réalité, est-il envisageable de voir le niveau de vie des quelques centaines de millions d'occidentaux (européens, américains, japonais, australiens ...) et leurs habitudes de consommation (car c'est cela notre style de vie) être généralisés aux quelques milliards d'autres terriens vivant actuellement avec quelques dollars par jour ? C'est bien sûr absolument impossible, à habitude de consommation inchangée. Le simple maintien de ce style de vie au cours des prochaines décennies pour les seuls occidentaux n'est même pas assuré, sans tension excessive sur les cours des matières premières. Et le développement des pays émergents permettra l'enrichissement de leurs habitants et un accroissement en nombre de leurs classes moyennes, qui permettra à ces dernières d'accéder à un style de vie et de consommation occidental, avec les tensions croissantes sur la disponibilité des ressources.
Sans changement de nos paradigmes de consommation et de production, il me semble évident que la hausse des prix des matières premières et des biens produits conduira inéluctablement à un appauvrissement des classes moyennes occidentales et des pays émergents (les salaires ne pourront pas suivre les hausses des prix), de telle sorte qu'il deviendra plus coûteux d'accéder à la majeure partie des biens (automobiles, essence, voyages aériens, biens, nourriture), au fur et à mesure que ces biens seront obligés d'intégrer dans leur prix la raréfaction des matières premières avec lesquels ils sont fabriqués, même si cela conduit à une destruction du système économique sur lequel notre monde et nos entreprises sont construits.
Si nous n'arrivons pas à modifier notre mode de développement et de consommation pour permettre sa durabilité et sa généralisation à tous les habitants de notre planète, il est à craindre que cette réforme nous sera imposée inévitablement par la pénurie croissante des matières premières dont nous avons besoin, et que notre style de vie et de consommation ne sera un jour plus accessible qu'aux plus riches d'entre nous, à une nouvelle 'uperclass' beaucoup plus restreine en nombre, qui sera alors seule capable de s'offrir ces biens renchéris. Cet appauvrissement des classes moyennes est par ailleurs déjà observée dans nos sociétés occidentales. Ce qui nous attend dans les prochaines années, c'est simplement une diminution dramatique des classes aisées en Occident et une augmentation très limitée dans les autres pays, même si cela doit s'accompagner de tensions sociales et de grèves violentes.
Cette diminution drastique des classes aisées (capables de maintenir un niveau de consommation élevé) est la principale solution pour obtenir la durabilité de notre processus de développement économique, c'est-à-dire un niveau de prélèvement stable sur les ressources de notre planète, à un rythme susceptible de se maintenir encore sur de nombreuses décennies.
Ou alors il faut que notre organisation économique et sociale soit prête à s'engager dans un processus de diminution de ce niveau de prélèvement sur les ressources énergétiques, minières et naturelles, sur une fiscalisation croissante des atteintes à l'environnement, pour arriver à mettre en oeuvre un schéma de développement durable qui puisse être entendu à tous les autres pays.
A défaut, cette réforme s'imposera à nous de manière mécanique, automatique et privilégiera les plus riches ou les plus puissants, qu'il y ait révolution ou non. Dans toute révolution, derrière l'idéologie de l'égalité de tous, il y a forcément toujours des leaders et des gagnants, et la masse des perdants, comme en 1789 ou en 1917. Il y a simplement un changement des échelles de pouvoir.
Et surtout, il me semble évident que cette réforme est déjà en oeuvre dans nos pays occidentaux, conduisant à la précarisation d'un nombre croissant de nos concitoyens, et au recours croissant à l'endettement d'une autre fraction d'entre nous pour maintenir notre niveau de vie, mais qui nous placent alors à la merci des conséquences d'une catastrophe économique, comme aujourd'hui aux Etats-Unis, où de nombreux ménages appartenant aux petites classes moyennes vont tout perdre.