Je sors à l'instant d'un cours magistral de civilisation chinoise consacrée à Confucius. Je sais, ça pète.
Bon alors Confucius, je sais pas trop si vous connaissez, mais grosso-modo, c'est un peu le gars sur les enseignements duquel la Chine a bâti sa civilisation depuis plusieurs siècles avant Jésus-Christ jusqu'au vingtième siècle. Ha ouais, quand même, que vous vous dites, là.
Ouais, quand même. Bon, il disait quoi, le gars, que vous vous demandez, si vous n'êtes pas un être éclairé comme moi il y a deux heures ? Bah, essentiellement, son discours est juste un fatras de préceptes philosophico-moralistes préconisant un mode de vie structuré par les rites, blabla respecte ton père, ton aîné, etc, l'ordre social est le reflet de l'ordre cosmique, faut faire ton deuil comme ça et pas comme ça, toi t'auras pas droit au boudin quand on sacrifiera aux ancêtres parce que t'es que le cousin de la belle-mère au troisième degré, puis enlève cette chemise rose et mets ta cravate avec les zèbres fluos, et dis ton poème après que ton collègue aura dit le sien, etc.
Enfin, des trucs du genre, faut pas s'emballer, hein, je schématise, j'ai pas tout compris et c'est déjà loin tout ça, en plus je matais les minettes pendant le cours, c'est qu'y'a d'la cuisse en cours de chinois.
Bon, bref, tout ça ne vous dit pas qui c'était, le zigue. D'autant plus que les pensées et pratiques qui forment le confucianisme n'ont pas cessé d'évoluer depuis leur invention, et permettent pas forcément de cerner le bonhomme. L'image qu'on en a est associée à une doctrine pas super fun, en tous cas nettement moins que les taoïstes pétomanes ou les légistes et leur imagination débordante en matière de tortures raffinées.
En fait, ce que nous a expliqué notre Don Juan de professeur, c'est que Confucius, ou maître Kong, s'il a choisi l'enseignement et la pédagogie, qui en ont fait le personnage le plus important de l'histoire chinoise, c'était plutôt par défaut. Il a pas pu être ministre d'un cheffaillon de province pour mettre en place ses idées, du coup il s'est rabattu sur l'enseignement, comme le faisaient ses collègues à l'époque. Et il serait tombé dans l'oubli si au deuxième siècle avant JC, le légendaire empereur Wu Di, septième empereur de la dynastie des Han, n'avait pas décidé de faire de des principes de Confucius la philosophie d'état, et s'il n'avait pas fait de de ses écrits (retranscrits par ses disciples) les classiques dont la connaissance aller former la base de recrutement des fonctionnaires pour les vingt siècles à venir. En gros, ça ressemble foutrement à la manière dont Constantin a fait du christianisme la religion de l'état romain, faisant d'une obscure secte un des futurs plus grands pouvoirs mondiaux.
Je trouve ça assez dingue quand même, l'ampleur que les écrits d'un frustré de pas avoir eu de position avantageuse au service d'un seigneur de province (dixit le prof) ont pu prendre.
En fait, Confucius, il me rappelle furieusement Gérard, chômeur de longue durée à Vesoul, qu'on peut voir tous les jours sauf le mercredi au café PMU de la Poste avec son Picon-bière. Celui qui dispense sa sagesse populaire à qui veut l'entendre, depuis « Moi, si j'étais au gouvernement » à « Tout fout l'camp j'vous dis, regarde moi les jeunes, ça écoute des musiques de sauvage, ça respecte pus les anciens, leur faudrait une bonne guerre » en passant par « la d-d-ddualité de l'univers, mon cul, genre la matière et l'esprit seraient pas du m-m-mmmmême métal ? Alors, t'm'espil...m'exipl...m'esplique pourquoi quand chus bourré, et là chus pas bourré, hein, p-p-ppourquoi quand chus bourré, c'est mon corps qu'a bu, hein, d'accord ? Et alors pourquoi c'est mon esprit qui t-t-ttourne ? Heing ? Vazy, fais péter la tournée, fais pas ton bourgeois ! »
Et la plus grande puissance du monde est basée là-dessus. Purée, ça fait flipper.
Si ça se trouve, dans quelques siècles, Titine au bistrot, Chez Francisque et les Brèves de Comptoir serviront de textes canoniques sur lesquels reposeront la constitution mondiale.
Hey, en fait, ce sera ptet pas si mal.