Rentrée littéraire 2007 - JOSÉ

Voici un extrait de José, le premier roman de Richard Andrieux, qui, malgré son nombre de pages peu important, m'a laissé un souvenir très poignant :
José - Premier chapitre

"- Comment vous expliquer, madame ? Il est possible que l'inconscient de votre garçon fasse son oeuvre, enfin si je puis dire... En tout cas, à votre place, je ne m'inquièterais pas trop ; croyez-moi, ça lui passera. Vous savez, j'ai déjà rencontré ce genre de symptôme chez la fille d'une de mes patientes ; la petite inventait des mots invraisemblables ; elle confondait les voyelles, et pensait que la lune avait un coeur. Eh bien, au bout de deux ans, deux ans et demi, tout est rentré dans l'ordre ! Elle avait oublié ses drôles de mots, prenait un a pour un a, et la lune restait la lune, enfin, ce que nous en connaissons ! Allez, ne vous en faites pas. Au revoir, madame.
- Vous avez sans doute raison, docteur ; merci encore d'être passé.
Après avoir raccompagné le docteur Wurtz à la porte de l'appartement, madame Blaise retourna dans la cuisine. José regarda sa mère ; c'était sa mère alors, parfois, il la regardait.
- Comment s'appelle cette lampe ? lui demanda-t-elle.
- Mais maman, je te l'ai déjà dit cent fois !
- Oui oui, je sais bien, mais redis-le moi encore, s'il te plaît.
- Bon d'accord, mais c'est la dernière fois ! Elle s'appelle "Citron" !
- Citron ? Mais José, tu sais bien qu'un citron n'est pas bleu, il est jaune.
- Maman, j'en ai assez de te répéter toujours les mêmes choses ! Si cette lampe était jaune, je l'aurais appelée "la mer" pour pas la confondre avec le soleil ! C'est pourtant simple, non ?
- Oui oui, bien sûr, mon ange, tu as raison, pardonne-moi.
Madame Blaise fixait son petit bonhomme avec la même incompréhension qu'hier. Mais le docteur avait dit que ça passerait, alors pourquoi ne pas le croire ; après tout c'était le meilleur médecin de la cité. Pourtant, rien n'aurait pu la rassurer en cette fin d'après-midi."