Carlos Maria Dominguez
Éditions Seuil, 2004, 109 pages.
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Geneviève Leibrich.
« Au printemps de l’année 1998, Bluma Lennon venait d’acheter dans une librairie de Soho un exemplaire ancien des Poèmes d’Emily Dickinson quand, arrivée au deuxième sonnet, au premier coin de rue, elle a été renversée par une voiture. »
C’est ainsi que commence l’histoire. Quelque temps plus tard, au département des lettres hispaniques à l’université de Cambridge, le successeur au poste de Bluma Lennon trouve sur son bureau un étrange paquet en provenance d’Uruguay. Il y découvre, sans aucune lettre d’accompagnement, un exemplaire miteux de La Ligne d’ombre de Joseph Conrad. Mais ce qui l’interloque le plus, c’est cette surprenante croûte de ciment qui adhère à la couverture. En soulevant celle-ci, il y découvre une dédicace de Bluma faite à l’attention d’un certain Carlos.
« Aucun livre n’a réussi à me déconcerter autant que cet exemplaire rustique dont les pages humides et gondolées appelaient par elles-mêmes à une lecture. »
Devant tant de mystère, il décide de partir à Montevideo afin de retrouver le propriétaire de cet étrange livre. Cette quête va le mener vers une découverte incroyable.
Ce livre voyageur, que fait circuler Bladelor, est, tout comme son histoire, surprenant ! Il nous montre à quel point les ardeurs, les rapports affectifs envers les livres, s’ils ne sont pas réfrénés à temps, peuvent nous échapper totalement et nous faire basculer dans la folie. Une jolie fable sur le pouvoir de la fascination !
Je vous en livre un extrait tout en pensant que certain(e)s d’entre vous se reconnaîtront…
« Souvent, il est plus difficile de se défaire d’un livre que de se le procurer. Les livres s’accrochent à nous en un pacte de nécessité et d’oubli, comme s’ils étaient les témoins d’un moment de notre vie auquel nous ne reviendrons plus, mais que nous croyons préserver tant qu’ils restent là.
J’ai constaté que beaucoup y inscrivent le jour, le mois et l’année de lecture ; ils tracent ainsi un calendrier discret. D’autres écrivent leur nom sur la première page avant de les prêter, ils notent sur un agenda le destinataire et la date du prêt. J’ai vu des ouvrages porter un tampon, comme dans les bibliothèques publiques, ou contenir une délicate carte de visite de leur propriétaire glissée entre les pages. Personne n’a envie d’égarer un livre. Nous préférons perdre une bague, une montre, un parapluie plutôt qu’un livre qu’on ne lira plus, mais qui conserve dans la sonorité de son titre une émotion ancienne, peut-être disparue à tout jamais. »
...n’est-ce pas ?