Nous
ne sommes pas à Valladolid, il ne s’agit donc pas de
déterminer si les rugbymen ont une âme, mais bien plutôt de savoir
s’ils ont du goût. Vestimentaire s’entend.
Renvoi aux 22 vous avait déjà parlé du premier maillot
"2008-2009" du Stade Français, croisement horticole hasardeux entre
deux styles de fleur de lys : la royale et la Kenzo.
Il y a eu ensuite le maillot dit « tie and die », dont il est
difficile de décrire les motifs, mais qui apparaît clairement comme
une punition pour le bon goût (évidemment ce propos n’engage
que l’auteur de ces lignes).
Aujourd’hui, Max Guazzini nous propose
le maillot « Blanche de Castille ». Ne réglez pas votre moniteur,
il est correctement configuré. L’image ci-dessus n’est
pas tiré d’une rétrospective « Pop Art ». Même si Andy Warhol
est bien l’auteur de ce patchwork, le vêtement a bien pour
vocation d’équiper les vingt-deux athlètes du Stade Français
et non quelque fashion victim de la Capitale.
Certains se diront sans doute que le président du club parisien s'y
entend pour provoquer. Alors, tant qu’à provoquer, pourquoi
ce choix de Blanche de Castille et pas, par exemple, Marylin ou la
chaise électrique, qui ont en commun d’avoir été traitées de
la même façon par le Pape du Pop art ?
Hé bien détrompez-vous, braves gens, vous n’y êtes pas. Max
n'a pas (a priori) cédé à la tentation de la
provoc'.
Il a de la culture, et pas seulement disco. Figurez-vous
que le choix de l’épouse de Louis VIII et Régente de France à
la mort de celui-ci, obéit à un symbole historico-rugbystique :
elle est la mère de Saint-Louis, qui a donné son nom, plusieurs
siècles plus tard à un Lycée, dont les élèves ont créé le Stade
Français. Vous suivez ?
Bref, ce nouveau maillot du club de la Capitale est un audacieux
mélange de design et d’histoire.
Ce que Max n’avait peut-être pas prévu, c’est que
certains amateurs de rugby et d’histoire de France ont creusé
la question « Blanche de Castille ». Et il apparaît que cette Reine
a joué un rôle non négligeable dans la conquête du Languedoc et la
croisade Albigeoise. Pas terrible, question symbole : ce maillot ne
représente-t-il pas, finalement, la mainmise du centralisme
parisien sur la province, l’écrasement des minorités
d’Oc par l’Etat ? Sur le plan du rugby, ce maillot peut
apparaître comme l’affirmation d’une supériorité du
rugby du Nord sur celui, traditionnel, du Sud-Ouest ?
Ne nous emballons-pas. Il serait étonnant que Max Guazzini ait pu
penser à cela lorsqu’il a jeté son dévolu sur la figure de
Blanche de Castille.
Restons sur le seul plan esthétique. Et là, on doit avouer que les
sentiments sont mitigés. Pas aussi moche qu'on veut bien le dire,
ce maillot parait quand même plus proche des pages "modes" des
catalogues de prêt-à-porter que de la rubrique "Rugby" d'un journal
sportif.
Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Mais on n’en pense pas moins, diront certains…