Et si on achetait nos aliments directement au producteur ?

Publié le 20 octobre 2008 par Claire Et Greg

Juste pour vous signaler un article sur les phénomènes des AMAP, paru le 2 octobre dernier dans le journal en ligne Rue89.com.

Nous sommes dans une AMAP depuis deux ans déjà et nous en sommes très satisfaits, autant sur la qualité des légumes que sur la relation sociale qui existent au sein de l’AMAP. Pour apporter une précision sur l’article, ce milliers d’AMAP recensées en 2008 produiraient des légumes pour une centaine de milliers d’AMAPiens en France. C’est dire si le phénomène commence à sortir de l’anonymat.

Et si on achetait nos aliments directement au producteur ?

C’est un contrat gagnant-gagnant. D’un côté, des consommateurs soucieux de soutenir une agriculture raisonnée et d’acheter des produits sains et savoureux. De l’autre, des exploitants qui ont besoin de fonds pour lancer leur exploitation, et veulent éviter les circuits de distribution classique. Les premiers s’engagent à payer à l’avance au premier la totalité de leur consommation pour une durée de six mois minimum.

Le producteur fournira chaque semaine à ses clients fruits et légumes mais aussi, selon les termes du partenariat, œufs ou viande. Il s’agit donc bien d’engagement. Les clients partagent avec leur agriculteur les risques et les bénéfices liés à l’activité agricole.

Pour certains participants, la motivation reste la santé et celle de leurs enfants. Mais les purs « Amapiens » s’engagent d’abord pour soutenir les petits producteurs face à la suprématie de la grande distribution. Ils prônent, par la même occasion, la consommation locale et peu polluante.

L’idée

Le concept de l’Amap naît au Japon, dans les années 60, suite à plusieurs scandales de contaminations. Installé en Suisse, en Autriche, aux Etats-Unis ou encore au Canada, il arrive en France en 2001. Daniel Vuillon, agriculteur aubagnais de père en fils, rapporte l’idée d’un voyage à New-York ! Qui l’eut cru ?

Pris à la gorge par les lois du marché et menacés d’expropriation (15 000 exploitations disparues en cinq ans dans la région Paca), Daniel Vuillon et sa femme Denise, recevant le soutien de l’association Attac, tentent leur chance auprès d’une poignée de consommateurs en leur proposant de devenir leur « fermier de famille », comme l’appellent les Québécois.

Ces trois dernières années, les filières courtes ont connu un véritable boum

Chaque semaine, ils pourront venir chercher un panier de fruits et légumes à la ferme. A la surprise générale, l’engouement ne se fait pas attendre. Aujourd’hui, la ferme des Olivades, dans la famille depuis 1864, fournit en fruits et légumes frais 210 foyers, emploie cinq personnes à temps plein et essaime à travers tout le pays. Ces trois dernières années, les filières courtes ont connu un véritable boum. On parle d’un millier d’Amap en 2008.

Daniel Vuillon explique ce succès :

« Les consommateurs ont pris conscience de ce qu’on leur imposait avec la vache folle. Rendre un herbivore carnivore pour qu’il soit plus productif est absurde !

« Les personnes qui se tournent vers les Amap ou autre système de circuit court ont entamé une réflexion sur leur santé, sur leur mode de vie et sur l’environnement également. »

Mais qui sont ces nouveaux consommateurs ? Ces mangeurs citoyens, comme les appelle Claire Lamine, auteur du livre « Les Amap, un nouveau pacte entre producteurs et consommateurs » ? Les précurseurs sont, à n’en pas douter, des militants d’Attac, des écologistes ou encore des amoureux de la terre.

Les plus récents engagés émergent des couches sociales intellectuelles. En revanche, Claire Lamine est catégorique : « les Amap ne concernent clairement pas, ou très peu, les ménages défavorisés ». Le prix est d’abord un peu plus cher que dans le commerce, de 10 à 15 euros le panier pour deux personnes pour une semaine. Qu’il faut avancer, même si des modalités de paiement sont possibles.

 Plus que des consommateurs, les adhérents des Amap sont des militants

 Chacun s’engage formellement à récupérer son panier toutes les semaines à un point de collecte déterminé, à date et heure fixe. En cas d’absence, la personne devra trouver un remplaçant pour éviter tout gaspillage. Une fois rentré à la maison, le mangeur devra également prendre le temps de cuisiner ces 3, 4 ou 5 kg de fruits et légumes avant l’arrivée du prochain panier…

Bref, être Amapien revient à adhérer à une véritable association pour des raisons bien établies : la pérennité de notre agriculture, l’environnement, la « bonne-bouffe », et aussi la convivialité !

 Comment la mettre en pratique

 Près de 150 Amap en région Paca, 70 en Ile-de-France, une cinquantaine en Rhône-Alpes ; elles fonctionnent autant en campagne qu’en ville. La pratique en entreprise devient aussi très tendance. Au sein de Radio France, Ruth Stégassy, animatrice de l’émission Terre à terre sur France Culture, crée en 2005 L’Amap des Ondes réservée aux salariés de la maison ronde.

Et puis, certaines associations assouplissent leurs règles pour faire venir les plus farouches :

  • Certaines vendent des demi-paniers, pratiques pour les personnes seules.
  • D’autres organisent des systèmes de remplaçants pour distribuer les fruits et légumes des absents.
  • A Aix-en-Provence, une association étudiante propose depuis septembre 2007 des paniers à 4 euros, moins cher qu’un paquet de cigarette !
  • La fameuse Courgette solidaire, en Seine-Saint-Denis, en réserve certains à moitié prix pour les personnes à revenu modeste et accepte les chèques d’aide alimentaire.

Mais ceux que les Amap aident le plus restent les agriculteurs. Le producteur de la « Courgette solidaire » travaille en partenariat avec deux autres Amap. Grâce à ce système, il produit désormais en fonction de la demande et obtient un taux de pertes quasi nul. Il a pu embaucher deux salariés à plein temps et trois saisonniers, qui s’occupent de la production et de la distribution.

Contre 150 euros, 5 kg de miel de châtaigner bio par an pendant cinq ans

Pour François Ribaute, jeune agriculteur tout juste diplômé, le modèle des circuits courts lui a permis de s’installer en tant qu’apiculteur dans les Cévennes. En 2007, il propose à de potentiels consommateurs de faire équipe. Contre 150 euros, ils recevront 5 kg de miel de châtaigner biologique par an pendant cinq ans, soit 6 euros le kg (contre 7 euros en moyenne pour du miel non biologique). Et 150 euros, c’est ce qu’il lui faut pour acquérir une ruche et ses abeilles.

Au printemps 2008, François comptabilise 40 contrats lui permettant de construire son premier cheptel. Et Daniel Vuillon, lui-même, a déserté les marchés et quitté les hangars de la grande distribution pour consacrer ses 10 hectares à ses consom’acteurs.

Pour François Lerique, fondateur du réseau des Amap d’Ile-de-France (également animateur de Terres fertiles), le jeu en vaut la chandelle :

« On parle de militantisme effectivement, mais de plus en plus de consommateurs réfléchissent à leurs actes d’achat. Le prix d’un panier d’Amap n’est pas négligeable mais correspond à la réalité du travail du paysan et non pas à la loi du marché. »

Sur les contraintes de régularité, l’homme répond du tac au tac : « C’est la même contrainte que celle du club de sport. Une fois qu’on a payé, il faut y aller toutes les semaines. » Et pourquoi a-t-on payé ? Pour notre santé…

Alors quelque soit la motivation des mangeurs, l’Amap se présente comme un palliatif parmi d’autres. Claire Lamine explique :

« Il est difficile d’imaginer que cette formule soit une solution pour les dizaines de serristes qui font faillite à cause de la concurrence des légumes espagnols ou d’ailleurs. En revanche, les Amap ont fait la preuve qu’elles pouvaient permettre à des paysans assez diversifiés de bien s’en sortir. »

Pour les plus convaincus, plusieurs guides de création d’Amap existent. Le livre de Séverine Millet, « La Stratégie du colibri » en dévoile une version très complète. Et pour les simples mangeurs, les coordonnés des différentes Amap se trouvent facilement sur Internet.

Petit  bémol peut-être, tous les AMAPiens ne sont pas des consomm’acteurs, des militants comme le dit l’article. Il y a toujours une faible fraction d’entre eux qui vient à la distribution hebdomadaire comme on vient faire ses courses. Ceux là  ne participent pas aux activités comme les distributions ou les visites à la ferme (quelques travaux, une à deux fois par an pour faire du désherbage, de la récolte…). L’ouvrage de Claire Lamine (cf. Pour en savoir plus) l’explique très bien.

Précisons que toutes les AMAP ne sont pas en agriculture biologique. C’est un gros sujet de discussion au sein des réseaux.

Il est également important de trouver un moyen pour que toutes les catégories sociales puissent avoir accès à une alimentation saine. Cela ne veut pas dire que les légumes bio en AMAP soient chers dans l’absolu, c’est simplement que l’agriculture “classique” (avec les pesticides, les nitrates, les énormes tracteurs et tout et tout…) bénéficie d’énormes subventions que n’ont pas les maraîchers en AMAP. Si le mouvement prend beaucoup d’importance, on peut espérer qu’il pourrait un jour faire contre poids et bénéficier d’un reéquilibrage par rapport à l’agriculture “classique” (mais bon, la mise en oeuvre du Grenelle de l’environnement sur la question de l’agriculture biologique ne laisse pas beaucoup d’espoir)

Pour en savoir plus

  • Lien vers l’article original
  • La charte des AMAP : http://www.amap-idf.org/images/pratique/charte_amap.pdf
  • Le site général sur les AMAP d’Alliance Provence : http://alliancepec.free.fr/Webamap/
  • Nos articles sur les AMAP : http://leplancherdesvaches.net/tag/amap/
  • Les Amap, un nouveau pacte entre producteurs et consommateurs de Claire Lamine - éd. Yves Michel - 163p., 14€.
  • La Stratégie du colibri de Séverine Millet - éd. Minerva - 284p., 15€.