Mardi dernier, tout le monde le sait, l'équipe de France de foot a rencontré l'équipe de Tunisie au stade de France. Avant le match, lorsque l'hymne national a été joué, des supporters ont
sifflé. Siffler la Marseillaise, voilà qui n'est pas un fait nouveau. En 2002 déjà, le président Jacques Chirac avait quitté momentanément la tribune officielle du Stade de France, la
Marseillaise ayant été sifflée par une partie du public. De son côté, Michel Platini président de l'UEFA a, en fin de semaine, expliqué qu'il y a trente ans, lorsqu'il faisait partie de
l'équipe de France, la Marseillaise était sifflée sur tous les terrains. Mais à l'époque, les politiques ne s'intéressaient pas au football et ça ne choquait personne. Il a déclaré : "Je ne vois
pas dans les sifflets qu'on a entendus au Stade de France un manque de respect ou une insulte à la France mais simplement des manifestations contre un adversaire d'un soir, en l'occurrence
l'équipe de France, que l'on veut battre. Dans d'autres occasions, je suis certain que les mêmes jeunes qui ont sifflé la Marseillaise, mardi soir, chantent l'hymne national quand l'équipe de
France dispute un match de l'Euro ou de la Coupe du monde." Par ailleurs, il est clair que ce qui fait débat, c'est que des sifflets soient entendus pendant la Marseillaise lors de matchs contre
des équipes du Maghreb et, même si les propos de Michel Platini nous permettent de remettre les choses en perspective, on peut considérer que siffler un hymne national quel qu'il soit n'est pas
tolérable. Ce n'est pas cela qui m'intéresse ici.
Ce qui est notoire, d'un point de vue communicationnel, c'est bien la façon dont Nicolas Sarkozy a occupé l'espace médiatique à ce sujet, et comment cela a bien fonctionné. Le Président de la
République a téléphoné à son premier ministre dès la fin du match pour lui dire de commencer à occuper l'espace médiatique dès le lendemain matin, ce qu'il a fait sur RTL, en regrettant que le
match n'ait pas été interrompu, et jugeant le comportement des spectateurs "insultant pour la France et pour les joueurs de l'ésuipe de France". Nicolas Sarkozy a par
ailleurs qualifié dans un communiqué ces "incidents" de "scandaleux", a convoqué à 13h00 à l'Elysée le président de la Fédération française de football (FFF) Jean-Pierre Escalettes.
Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, était présente, ainsi que Bernard Laporte, secrétaire d'Etat chargé des Sports (qui, la veille, n'avait rien dit sur la question). A sa
sortie de l'Elysée, Roselyne, sans ses Crocs roses était remontée comme jamais, tout comme Bernard Laporte, qui s'est prononcé finalement pour la fin des matches avec la Tunisie, le Maroc et
l'Algérie au Stade de France. "Il faut arrêter d'être hypocrites" et ces matches doivent être joués "chez eux, ou alors en province", a-t-il suggéré...
C'était fait. Le moindre espace médiatique allait être occupé, et ceci pour au moins deux jours : les émissions de télé, de radio, la une des journaux : tout. La crise fiancière ? Nan, nan, ce
n'est plus cela, le sujet ! Il y a mieux. Plus récent, plus vrai, plus authentique : La Marseillaise sifflée. Notre "Télé-Président", comme qualifient Denis Muzet et François Jost, a mené avec
habileté une campagne de communication qui avait pour fonction de faire parler d'un tout autre sujet que de la crise financière mondiale et de la baisse du pouvoir d'achat. Il a, une fois de
plus, indiqué de QUEL sujet il fallait parler, et a même indiqué COMMENT il fallait le faire. Le boulot était déjà fait, tout préparé, il n'y avait plus, alors, qu'à transmettre. Pour
cela, les ministres avaient pour tâche de porter une colère toute prête à consommer.
Ce constat n'enlève en rien le caractère problématique de ce qui a pu se passer. Mais il nous permet de remarquer qu'il y a eu, entre mardi soir et jeudi (moment où les petites filles de Reims
ont été retrouvées et où on a appris que l'écureuil de la Caisse d'Epargne avait perdu ses noisettes, ce qui a chassé le problème au profit des deux autres), une occupation de l'espace
médiatique. Elle fût savamment orchestrée par l'Elysée qui, il faut bien le reconnaître, impose son agenda et un traitement de celui-ci, à des médias, plus ou moins contraints de le
suivre...