On a beaucoup entendu parler de concurrence libre et non faussée ces derniers temps. Les Francais, qui ont comme réputation d'avoir bien souvent trainé les pieds pour l'ouverture des marchés à la concurrence (dernier en date, l'électricité auraient obtenu que cette expression de compétition chère aux anglais soit enlevée des objectifs de l'Union Européenne (elle reste mentionné 13 fois dans le traité ceci dit).
Au dire des tenant forcenés de la théorie économique libérale, seul le marché est à même de réguler les prix afin de tendre vers l'optimum social. La théorie et la pratique sont toutefois souvent très différentes et il y a des contre-exemples connus à l'adage selon lequel le levier le plus efficace pour peser sur les prix est l’introduction de plus de concurrence. Les économistes raisonables savent qu'il y a toujours un écart entre le monde idéale de la théorie et la réalité. Certains de nos politiques malheureusement restent parfois aveuglés par leur dogme.
Prenons trois événements qui illustrent bien le phénomène:
Les trains britanniques
Prenons un exemple de conséquence de la privatisation du rail : Les trains qui vont de Woking à Waterloo station sont opérés par South West Train, une société privée. Cette société a une franchise (c'est à dire le droit d'opérer) pendant 5, 7 ou 10 ans. Elle signe un contrat avec l'Etat en début de période. Dans les limites de ce contrat elle peut tout faire, ou surtout ne rien faire. C'est à dire qu'elle peut changer les tarifs, la configuration des trains, les horaires, mais aussi ne rien investir. Car si la concurrence existe, elle profite ici à l'Etat et non à la société. En effet, si la société, pendant sa période de franchise, décide de ne pas investir, de voir se déteriorer le service tout en augmentant les prix, tout en rémunérant très grassement ses dirigeants, que risque t'elle ? De faire faillite ? Oui, mais l'Etat moderne ne pouvant plus fonctionner sans une infrastructure de transports sera aussi obligé de compenser ensuite le défaut ; et l'usager (oserons nous dire client ?) payera alors deux fois : au travers du ticket il a rémunéré un société privée (dont le but n'etait pas l'optimum social mais l'optimum de ses dirigeants), mais aussi au travers de ses taxes puisque l'Etat devra se substituer à la compagnie pour assurer le service. Et nous sommes ici dansle meilleurs des cas, car l'Etat peut aussi décider de continuer à mettre la main à la poche et subventionner la société privée à coup de rallonge budgétaire.
SWT n'en n'est pas là, mais deux cas servent déjà d'exemple : Railtrack qui, en 2000, a versé un bonus exceptionnel à ses dirigeants avant de demander une rallonge budgétaire en menaçant de mettre la clef sous la porte si cela ne venait pas rapidemment. L'Etat a du payer en renationalisant la compagnie qui a pris le nom de Network Rail. Entre temps il y a eu deux accidents de trains et des morts. Aujourd'hui Métronet, la société privée chargée de 80% de la maintenance du métro de Londres marche dans ses pas: deux accidents important en 4 ans et la menace de cesser son activité si l'Etat ne met pas la main à la poche. Quand à SWT, pour revenir à elle, elle n'a pas investit pour adapter la station de Clapham Junction au flux de plus en plus important de voyageurs, ni (comme ses collègues d'ailleurs) dans le nouveau système de tickets prépayé Oyster (ce qui continue donc a grandement handicaper les usager du train) au motif que cela n'avait pas été prévu dans les conditions de départ signées ... 7 ans auparavant.
Quel est le pouvoir de l'usager dans tout cela ? Prendre Virgin plutôt que SWT entre Woking et Waterloo ? Si plusieurs trains passaients en même temps sur les mêmes lignes, ça se saurait. Prendre sa voiture ? Le maire de Londres a pensé à lui en montant à £8 le prix du droit de passage dans la ville (sans compter la politique de raquette menée par les municipalités en mal d'argent). Prendre l'avion ? Vu le prix et au moment où l'on se soucie du réchauffement de la planête se serait une plaisanterie. Faire ses 30km à vélo matin et soir (car vu le prix de l'immobilier il n'habite plus au centre de Londres) ? Bon courage.
Les livres.
Alors qu'est sorti le dernier tome d'Harry Potter, on a pu voir que les grandes chaines de distribution comme Asda, Tesco ou Sainsburry le vendaient à des prix défiant toute concurrence, jusqu'à 50% moins cher. Car en Angleterre, contrairementà la France, le prix des livres n'est pas encadré. Conclusion, c'est la mort des libraires, obligé soit de vendre le même livre 2 fois plus cher, soit de perdre de l'argent sur chaque livre. Car eux ne peuvent pas se rattraper sur les boites de petits pois ou de céréales. A terme on peut craindre plusieurs choses : la mort des librairies, la réduction, comme peau de chagrin, de l'offre (seuls les best sellers seront vendus). Sans parler du principe de vente à perte (temporaire) afin d'écraser la concurrence.
La fameuse libéralisation des opérateurs de renseignement teléphonique
Comme on l'avait deja vu en Angleterre, l'ouverture du marché a conduit à un grand bordel, à des tarifs plus chers pour un service plus mauvais. Et on avait promis aux Francais, croix de bois croix de fer, que ça n'arriverait pas chez eux. Un an plus tard il est temps de tirer les conclusions : c'est tout pareil [que de l'autre côté de la Manche] : un service plus cher, beaucoup plus cher ; une qualité moins bonne, beaucoup moins bonne. Au passage, il est toujours possible d'appeler l'héritier du "12", moins honéreux et plus fiable au 118 711 (ce n'est pas celui sur lequel l'opérateur communique le plus) : ses tarifs sont encadrés car il correspond aux missions de service public que conserve l'opérateur.
Décidément si on ne peut même plus s'en remettre à la concurrence libre et non faussée, que va t-il nous rester...?