« Dieu est un fils de pute... un jour je le tuerai. »
Jolie intronisation préliminaire qui inscrit ce film parmi les plus noirs polars français. Le réalisateur Olivier Marchal nous dépeint à travers le triptyque Gangsters/36/MR73 des individus meurtris et rongés dans un désespoir solitaire et amer. Le tout sous fond d’histoire de flics atypiques aux profils loin d’être virtuels car vécus par O.Marchal (ancien inspecteur à la brigade criminelle). Il signe ici une œuvre personnelle et percutante qui clôt majestueusement la trilogie, en dépit des craintes de redondances après le magnifique 36 quai des Orfèvres (Depardieu vs Auteuil)… !
Daniel Auteuil incarne ici un flic fantomatique, moitié mort aux complexités sinueuses dans sa vocation de flic intuitif mais nihiliste. Une enquête sombre de meurtres morbides et pervers de femmes torturées et violées sert de ligne conductrice aux déboires de Schneider (Auteuil) qui – malgré tout – s’attache à la vérité. Et surtout à la rédemption. Ecarté rapidement de la cellule policière tant son état vire au cauchemar, noyé dans un flow d’alcool destructeur et révélateur d’une douleur extrême. Un abandon psychique et réel le pousse aux frontières du néant. A ce profond trou de désespoir viennent meubler l’Ange et le Démon, dans une histoire parallèle et probablement à la signification allégorique. Respectivement Olivia Bonamy (impressionne par son innocente beauté – le grain de couleur dans ce sombre brouillard) et Philippe Nahon (le mythique Jésus satanique) incarnent des rôles sans nul doute parfaits.
Daniel Auteuil est au sommet de son art. Ce qu’il a fait de mieux dans toute sa carrière. Introverti, puissant de charisme, perdu et torturé, il brille par mille morbidités. Et porte avec frayeur toute ce mal qui habite le film. Acteur culte.
Olivier Marchal, jamais loin de l’ombre de Schneider, dit avoir vomi ce film. A priori une affaire à la suite de laquelle il a décidé de quitter la police et s’est reconverti définitivement à l’athéisme.
Noir, puant et magique.
Une réussite personnelle, esthétique, artistique et théâtrale.
Plus d'infos sur ce film
C.
PS : une très belle édition du triptyque vient de sortir avec un riche documentaire sur le dernier volet. On y découvre notamment la force (et les douleurs) du réalisateur.