Presque dix jours de silence. Faut dire qu'il y a de quoi se désintéresser de l'actualité sportive. Hormis
la ronflante "affaire de la Marseillaise", montée en épingle par des politiques prêts à tout pour faire oublier les hoquets du CAC 40, rien de bien nouveau sous le soleil. Les Allemands ont
soigné leur bonne conscience parpaillote en assassinant leur cyclisme. Espérons qu'il seront aussi prompts à fermer leur robinet audiovisuel à l'athlétisme ou même au football, si par miracle un
jour le divin ballon rond daigne intéresser les pourfendeurs de dopette… Il s'est aussi confirmé qu'il faudrait désormais observer un délai de réserve sur l'ensemble des classements sportifs.
Dans le vélo bien sûr, où les contrôles rétroactifs font et défont le palmarès des courses, parfois à des années d'écart. Aux Jeux olympiques aussi, les bilans sanguins suspects risquant de faire
tourner les belles couleurs des médailles des inconscients chopés par la patrouille…
Bref, Philostrate s'ennuyait ferme lorsqu'il est tombé sur un livre faisant son miel de la pâte humaine, sans laquelle le sport n'est qu'une
activité mercantile comme une autre. Le journaliste Lionel Froissart dans Les boxeurs finissent mal… en général a eu la bonne idée de se pencher sur les destins heurtés de
pugilistes, restés fameux ou aujourd'hui oubliés. On y retrouve, dans des récits un rien romancés mais s'inspirant de faits bien réels, Cerdan lors de sa défaite face à La Motta, annonciatrice
d'une revanche et d'une fin prématurée dans un crash sur un pic des Açores en octobre 1949.
On y croise Laurent Dauthuille, le "Tarzan de Buzenval", qui aurait dû "venger" le grand Marcel en mettant au tapis le "Taureau du Bronx" en
septembre 1950, foudroyé à quelques secondes d'un combat qu'il menait pourtant largement aux points. Dauthuille, qui aurait dû devenir le nouvel enfant chéri des rings français,
ne s'en remettra jamais et finira dans
l'oubli à l'aube des années 1970. Alors oui, la boxe peut être un milieu pourri, attirant comme des mouches autour d'un pot de miel, les truands aux costards bicolores et les pouffiasses
décolorées. C'est surtout un révélateur de l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus abjecte mais aussi, parfois, de plus noble…
En ce sens, on ne saurait trop recommander la lecture du livre de Lionel Froissart à nos champions du moment, quelle que soit leur
discipline. Dans ces pages, la gloire se révèle dans toute sa fulguance et sa fragilité. L'homme, touché par la grâce dans la lumière du ring, sort de lui-même, change de condition
avant, souvent, trop souvent, de retomber dans l'oubli, voire le caniveau d'où il était pourtant sorti au prix d'énormes sacrifices. Mais après tout, qu'est-ce-que la renommée ? Sans sa mort
tragique et son histoire d'amour avec la môme Piaf, Cerdan lui-même continuerait-il à fasciner les foules ? Vous en doutez ? Il y a eu cinquante ans jour pour jour le 21 septembre que le
"bombardier marocain" est devenu champion du monde en battant Tony Zale. Rien ou presque dans les journaux n'est venu rappeler cet anniversaire fondateur du "mythe Cerdan". L'année prochaine en
revanche coïncidera avec le cinquantenaire de sa disparition dans la tragédie aérienne qui s'est nouée dans le ciel des Açores à l'automne 1949. Je vous fiche mon billet que cette date-là on ne
l'oubliera pas …
Les boxeurs finissent mal… en général de Lionel Froissart. Editions Héloïse d'Ormesson. 300 pages. 20 euros.