Le Nunavut est la patrie toute neuve des Inuit. Ils ont beau habiter le pôle depuis des millénaires, leur histoire jusqu'à très récemment n'a existé que dans la transmission de récits oraux (des récits fondateurs, des mythologies) et dans la perpétuation de traditions comprises de toute la communauté.
L'incompréhension, elle vient des Blancs. Ce sont eux qui ont commencé à écrire l'Histoire des Inuit, eux qui leur ont donné le nom d'Esquimaux. Les Blancs les ont déportés jusque dans les années 1960 et 1970, pour occuper le pôle, désert blanc stratégique durant la Guerre Froide. Elle porte bien son nom, celle-là.
Annick Cojean rencontre le peuple des Inuit, les fondateurs du Nunavut, les enfants, parents et ancêtres. Elle nous transmet une vision authentique de son sujet, et pas seulement une carte postale du pays. D'ailleurs ses photos sont belles et dépouillées, dépourvues de l'artifice qui chercherait à figer les gens qu'elle rencontre sous le lourd manteau de neige qui recouvre leur pays.
La narration prend pour point de repère la création du Nunavut en 1995 et l'auteure nous accompagne pour retracer tout ce qui a précédé. La métaphore des traces de pas sur la neige est très belle pour parler de ces nouveaux immémoriaux**. La démarche est sincère et touchante, mais hélas le style est lourd, à l'image de l'emploi systématique du futur pour évoquer des événements passés. Cela ne gâche en rien l'intérêt de ce document.
L'épilogue résolument touristique (bonnes adresses, coordonnées des compagnies aériennes... ) est plus perturbant...
93 pages, éd. Seuil - 13,30 €
* Elle est l'auteure d'un incontournable Retour sur images des plus grandes photos du XXè siècle, édité par Grasset et Le Monde
** cf Victor Segalen, Les Immémoriaux à propos des Tahitiens au tournant du XIXè et du XXè siècle