Ils sont entre cinq et dix dans l’espace confiné d’une caravane toute en longueur. Les uns et les autres dispersés entre les roues, affalés sur les sièges, canapés ou à même le sol. L’un d’entre eux allume la télévision minuscule qui pend dans un angle, côté droit quand on rentre, écran noir et blanc de la taille d’une feuille A4. La réception est mauvaise, les images arrivent brouillées, trop pour être lisibles. Un signal crépite, la télévision s’éteint. Putain, l’un d’entre eux dit à l’autre, il y a un détecteur de mouvements attaché au fil d’antenne, si quelqu’un essaye de l’allumer, il appelle directement le portable du propriétaire et lui donne notre signalement et notre localisation ! Comme si c’était une évidence. Et les cinq ou dix corps, tous des hommes, d’évacuer la caravane en quatrième vitesse. Ils montent dans la Cadillac décapotable garée dans la boue et décampent.
Dans la Cadillac à tombeau ouvert. Il faut qu’ils croient qu’on est mort, lance l’un, le conducteur peut-être, aux autres étalés à l’arrière, alors il fonce sur une route de forêt ponctuée d’arbres. Bientôt, la Cadillac ripe contre les écorces autour et s’écrase contre un tronc trop gras qui dépasse du talus. Wouhou, ils gueulent ensemble pendant que la tôle se déchire sans bruit, casse instantanée du pare-chocs et pare-brise en un souffle.
Il faut qu’on disparaisse, dit l’un, l’ex-conducteur sans doute, alors on doit se débarrasser de nos fringues, il peut y avoir des émetteurs dans les fibres. Alors ils se défont de leurs vêtements ensemble qu’ils brûlent sur le sol boueux entre les arbres. Le reste des vêtements sera enterré ici, dit-il, alors ils creusent des trous de deux ou trois pelletées et ensevelissent les restes cramés de leurs chemises sous la terre noire. Puis la dizaine de corps, nus à présent, descendent le talus et marchent le long de la pente. Ils débouchent sur une prairie verte-beige au vent léger contre l’herbe. Personne autour. C’est bon, dit-il, maintenant ne reste plus qu’à. Et un point blanc dans le ciel le coupe dans son élan. Voilà, dit-il, il va nous dire quoi faire à présent, où aller, comment. Un deuxième point blanc se détache du premier qui continue sa course, traçant sa voie blanche traînée dans le ciel bleu. Il est au courant, dit-il, il va nous aider depuis l’avion. Regardez c’est ce deuxième point. Il vient de nous lancer nos directives dans un bloc d’urine congelée depuis les toilettes de l’avion et le bloc va atterrir pile sur nous, je le sais, ça arrive, je l’ai lu dans un roman de David Lodge, tout ira bien maintenant, on est sauvé.
L'un demande comment au juste on est censé récupérer les instructions si c'est pris dans le bloc de glace ? Effectivement : le bloc d'urine bleue enfoncée au quart dans la boue verte. Pris au cœur de la glace WC, un bout de papier plié en quatre. Sans doute ça. Un autre regarde les autres et répète : comment ? Alors sans se concerter les cinq ou dix dégainent leurs braguettes fictives et ils pissent en chœur tout contre le bloc gelé pris par la boue et le vent souffle à ras sur leur farandole de culs nus.
Si je lance ma petite entreprise d'écriveurs de rêve (client, tu me résumes ton rêve en quelques étapes importantes et moi je te le transforme en nouvelle digne à lire, juste pour toi), entre 20 et 50 euros le rêve (ça paraît honnête), qui qui serait intéressé ?