18 octobre 2008
Vicky Cristina Barcelona
L'auberge espagnole
«C'est un film qui donne envie de faire l'amour!» s'est écriée une
jeune journaliste à l'issue de la projection cannoise de Vicky Cristina
Barcelona. Simple coup de sang d'une midinette émoustillée par le
casting de la décennie (Scarlett Johansson, Penelope Cruz, Javier
Bardem)? Pas du tout: quelque temps plus tard, le New York Times
renchérissait: «La lumière est d'une couleur ambrée et mordorée si
appétissante qu'on pourrait être tenté de lécher l'écran»!
Le dernier Woody Allen susciterait une poussée de fièvre en raison de... sa lumière. L'explication n'abusera évidemment personne: même la réunion des acteurs les plus «chauds» du moment paraît davantage crédible. A commencer par Javier Bardem, bloc de virilité animale, débarrassé de la perruque à la Mireille Mathieu dont les frères Coen l'ont affublé dans No Country for Old Men et qui lui a valu l'Oscar du meilleur second rôle en début d'année. Mais sa présence dans le rôle d'un peintre pygmalion et sans tabou, ainsi que celle de ses partenaires féminines plus ou moins consentantes, expliquera tout au plus, et a posteriori, pourquoi Vicky Cristina Barcelona sera l'un des plus gros succès de son auteur. Sans rien dire sur ses vertus aphrodisiaques.
Un garçon, trois filles: à deux, à trois, garçon-fille, fille-fille, fille-garçon-fille, Woody Allen ne rechigne devant aucune possibilité. Il se laisse glisser dans ses envies, envahir par les stéréotypes, guider par les coïts, plus ou moins interrompus, ainsi que par les frustrations qui font, même sous le mode comique, les grands récits romantiques. Avec ses compositions picturales parfaites, ses couples qui embrasent l'écran, sa liberté narrative totale ou encore le bonheur manifeste qui a régné sur le tournage, Vicky Cristina Barcelona prolonge l'été.
N'étaient ces nuages, apparus à Cannes déjà, où le film
figurait hors compétition.
Premier grief: il a fallu 40 films et autant de blablas
psycho-amoureux à Woody Allen pour qu'il s'aperçoive que l'amour à
trois est une alternative. Répondons que l'amour à trois par ce
cinéaste-là et dans cette époque-ci a davantage de classe et
d'implications.
Deuxième grief: ses films étaient mieux quand il tournait à
Manhattan et son tour d'Europe des stéréotypes devient franchement
pathétique. Répondons qu'il suffit de revoir les films new-yorkais du
cinéaste pour se rendre compte que tous se servaient déjà des
stéréotypes.
Troisième grief: ne réussit qu'un film sur deux et
celui-ci est donc, après Le Rêve de Cassandre, de marée basse.
Répondons que si tous les cinéastes signaient des films mineurs comme
Vicky Cristina Barcelona, le cinéma se porterait mieux!
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