Les lois et concepts expliquant le mouvement, les évolutions, les crises,… sont nombreuses. La deuxième loi de la dialectique hégelienne est la loi dite du passage“du quantitatif au qualitatif”. Que dit-elle en substance ?
Que passé certains seuils, de minuscules changements quantitatifs entraînent des sauts qualitatifs. On retrouve ce concept complexifié et sophistiqué dans les “bifurcations” chez de nombreux auteurs dont le Prix Nobel Ilya Prigogine, les “catastrophes” chez René Thom, la “turbulence”,… Mais faisons simple et restons chez Hegel: l’âge aidant, perdant mes cheveux un à un, un jour, avec le cheveu dont la chute fait “déborder le vase”, mes proches, mes relations, (et moi-même), me considèreront comme chauve.
Prenons un autre exemple, celui d’un budget, un euro de cadeau fiscal en moins, puis un autre, et encore un autre,… et nous passons d’un budget équilibré à un budget déficitaire dont le retour à l’équilibre, claironné pour 2009, devient vaguement évoqué pour 2012, sans parler de toutes les conséquences sociales qui s’ensuivent.
En restant dans les euros, concernant cette fois des cascades qualitatives et en cette période de crise financière, cela m’a remis en mémoire ce que me disait mon père (à l’époque, il parlait en Francs): “Si tu dois 100 000 F à ta banque, tu as un gros problème. Si tu lui dois quelques centaines de millions de francs, c’est la banque qui a un problème. Par contre, si tu lui dois quelques dizaines de milliards de francs, ce sont les contribuables qui vont avoir des problèmes”.
Une variante plus organique se trouve dans le concept d’émergence: “le tout est plus que la somme des parties”. C’est vrai pour l’assemblage des pièces d’un vélo, d’un rasoir électrique, … C’est encore plus vrai dès qu’on dissèque le vivant. L’assemblage des “parties” fait émerger un objet dont les potentialités et les fonctions n’ont rien à voir avec celles de chacun de ses composants.
Là encore, des exemples contemporains existent: des hypothèques pourries, plus une politique de crédit laxiste, plus de la titrisation opaque et des agences de notations incompétentes, plus des gouvernements qui n’ont que le seul souci de tout dérèglementer et laisser faire. Rajoutez-y quelques paradis fiscaux dans lesquels s’élabore l’alpha et l’oméga de la spéculation financière et vous avez la plus grande crise économique et financière depuis 1929.
Mais ce n’est la faute à personne et, catastrophe, ce sont mes impôts (et les votres) qui vont permettre à ces pauvres riches de se renflouer.
- Subprimes à la française- J’en avais parlé là . Depuis, Libération a ouvert un dossier sur lequel ça discute ferme.
- La tribune d’Alain Badiou dans Le Monde, celle de Christian Ramaux et celle de D.R. Dufour : “Mais la question qui se pose est de savoir si l’on peut vraiment s’en remettre, pour sortir de cette crise, à ceux qui ont conduit notre civilisation, avec tant d’efficacité, de cynisme et de suffisance, droit dans le mur”.
- “Bouclier” fiscal: “… Ainsi des patrimoines supérieurs à 15,5 millions d’euros peuvent-ils, par le jeu combiné des “niches” et du “bouclier”, échapper à toute imposition”. A lire sur Le Monde.