J’ai vu le week-end dernier à la télé The Wicker Man, un film avec Nicolas Cage. Je n’en avais jamais entendu parler, j’ai donc regardé ça sans aucune idée pré-établie.
Je tiens à prévenir toute personne qui lirait cet article : ce film est une grosse daube intersidérale. Quelque chose de complètement foireux, totalement raté, qui atteint presque au sublime précisément à cause de son échec absolument intégral et quasi-inconcevable.
Au début, je veux dire la première demi-heure, on se dit que quelque chose va se passer, que le film ne peut pas glisser ainsi sur la pente du n’importe quoi. Puis, dès lors que ce premier palier est franchi, on n’en doute plus une seconde : oui, ça va continuer ainsi jusqu’au bout, assurément, sans aucun risque de redressement. On devrait alors faire la seule chose raisonnable à faire : arrêter de regarder. Mais un petit quelque chose, une force comme surnaturelle, sans doute ce qu’on appelle la curiosité ou, comme le disait l’un de nos écrivaillons nationaux, "la fascination du pire" nous exhorte néanmoins à poursuivre le visionnage, à boire le breuvage pisseux jusqu’à la lie.
C’est donc ce que l’on fait. Et l’on n’est pas déçu, tant il est vrai que l’ultime demi-heure, et plus encore les dix dernières minutes, sont des grands moments de n’importe quoi. La palme, au sein de ce scénario résolument incohérent, au sein de cette mise en scène pathétique, la palme donc au moment où Cage, paré d’une espèce de costume de ce que je croyais être un gorille, mais ma chère et tendre m’a dit qu’il s’agissait d’un ours brun, court dans la forêt. Je crois qu’on atteint ici une dimension à la fois narrative et esthétique plus ou moins inédite : tout simplement ce qu’on appelle un nanar, un vrai de vrai.
A tel point que lorsque Cage finit cramé en hurlant, on applaudit des deux mains car cela signifie que le film va s’achever (et, autant le reconnaître, cela procure un sentiment de soulagement intense).
Au moment du générique de fin, un appel vers l’abyme nous saisit, quelque chose de, allez osons le mot, métaphysique. On se demande en effet comment quelqu’un a pu avoir l’idée du scénario, comment quelqu’un a pu se dire qu’il allait produire ce film, un autre se dire qu’il allait le réaliser, comment tant de personnes, acteurs, assistants réalisateurs, chefs opérateurs, éclairagistes, maquilleurs, accessoiristes, etc. etc. ont pu vivre pendant des semaines autour de ce tournage, et, pour finir, comment quelqu’un a pu monter ce film. Sans parler du courage qu’il faut pour en assurer la promo. Bref, on se demande comment autant d’énergie, autant de force, ont pu être investies dans pareille merde.
Je n’ai pas spécialement l’habitude de rédiger ce genre de chronique, à l’argumentaire quasi-nul, au jugement aussi tranché, mais ce film m’a à ce point interloqué que je voulais, par conscience, par solidarité, par empathie, prévenir tout lecteur potentiel de ce qu’il risquait d’éprouver s’il avait le courage, l’inconscience, la folie de visionner The Wicker Man.
Cela dit, si on place autour de ce spectacle des enjeux autres que l’envie de voir un bon film (genre : boire une tequila paf à chaque scène ridicule ; genre : être envoûté par les navets cinématographiques ; genre : voir tout ce qu’il ne faut pas faire si l’on veut avoir une chance d’être le prochain Kubrick), je ne doute pas qu’on puisse passer un excellentissime moment devant The Wicker Man.
Mais bon, au moins ceux qui voudront quand même le voir auront-ils été prévenus et s’y dirigeront-ils en toute connaissance de cause. C’était, j’estime, mon devoir que de ne pas les prendre en traîtres.