Lisez plutôt :
Voici ce que Jean-Jacques Jégou, Sénateur MoDem a dit lors d'une séance publique du Sénat le mercredi 08 octobre dernier :
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de son intervention, M. Woerth a évoqué « des pratiques qui n’auraient jamais dû exister ». Au cours des vingt dernières années, les marchés ont subi une triple évolution caractérisée par la déréglementation, la désintermédiation et le décloisonnement.
Une nouvelle logique financière s’est instaurée, caractérisée par la globalisation. Celle-ci a favorisé le financement des entreprises et de l’économie, mais, contrairement à la logique industrielle, la logique financière privilégie le court terme. De nouveaux produits et de nouvelles techniques financières ont vu le jour, qui confirment la priorité donnée à la rentabilité immédiate, la valeur spéculative divergeant parfois de la réalité économique.
La sophistication des marchés financiers s’est considérablement accrue. Nous sommes donc passés d’un capitalisme industriel d’entreprenariat et d’une économie financée par le crédit à un capitalisme financier de marché, où non seulement les entreprises, leurs risques, leurs crédits, mais aussi des ensembles d’entreprises, des indices boursiers ou de prix de matières premières énergétiques, de métaux, de denrées alimentaires et même des indices climatiques, des quotas d’émission de CO2, des variations de taux, se négocient comme des marchandises, le prix d’équilibre du marché n’étant pas forcément le reflet d’une réalité économique d’ensemble mais du résultat de spéculations. De nouveaux produits ont vu le jour, toujours plus sophistiqués, comme les opérations de LBO à effet de levier, les nouveaux produits de titrisation ou les CDS – credit default swaps. Ces produits structurés sont d’une telle complexité qu’ils en deviennent opaques pour le commun des mortels et – pire ! – également pour ceux qui sont chargés de leur commercialisation. On en vient à ignorer ce qu’on acquiert exactement !
Parallèlement, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les nouvelles normes comptables qui ont été imposées. Comment se fait-il que l’Union européenne, et donc la France, ait été aussi apathique pour favoriser une autorégulation des marchés financiers et du système bancaire, où l’efficacité et la stabilité de la profession reposent sur des codes de bonne gouvernance – la compliance – et des normes comptables internationales inspirées des normes américaines, l’IFRS ? Ces nouvelles normes d’origine anglo-saxonne ne vont-elles pas au bout du compte aggraver durablement cette crise ? Les normes généralisées du mark to market visent à valoriser les actifs et les passifs des institutions financières au prix de marché, ce qui a renforcé la volatilité de leurs comptes. Ainsi – et nous en sommes arrivés là aujourd’hui –, lorsque le marché interbancaire est bloqué et que les prix s’effondrent anormalement, de façon temporaire ou sous l’effet d’une spéculation, la banque peut se trouver en défaut, avec un besoin de liquidité pour couvrir la perte, temporaire ou supposée, mesurée à l’instant T. Or, le marché étant moutonnier, la moindre rumeur relative à un problème de liquidité est interprétée comme un potentiel problème de solvabilité, avec le risque de ne pas pouvoir honorer le remboursement de la dette…
Et maintenant, comparez avec le début de l'excellent billet de Marianne Kraft que j'avais repris ici :
Une nouvelle logique financière s'est instaurée, se traduisant au-delà des aspects géographiques, c'est pourquoi les spécialistes parlent plutôt de « globalisation » financière que simplement de mondialisation. Cette globalisation financière a favorisé le financement des entreprises, de l’économie, mais contrairement à la logique industrielle la logique financière privilégie le court terme. De nouveaux produits et de nouvelles techniques financières ont vu le jour, qui confirment cette tendance, la priorité donnée à la rentabilité immédiate, à court terme, notamment car la valeur des flux futurs anticipés est évaluée en valeur nette présente, raccourcissant ainsi le temps d’un point de vue financier. Cette valeur tient compte aussi de la probabilité d’envol des taux et des cours ou de défaillance des acteurs impliqués, donc d’une valeur spéculative parfois divergeant de la réalité économique.
- la sophistication des marchés financiers s'est considérablement accrue, permettant un libre accès aux capitaux, une désintermédiation des acteurs entre les investisseurs et les emprunteurs de capitaux au travers des bourses et du marché. Les actions, obligations et créances négociables, ainsi que les nouveaux instruments financiers de dérivés de taux ou d’actions, se sont progressivement substitués aux traditionnels crédits pour subvenir au financement de l’économie et les crédits sont eux-mêmes devenus négociables, « titrisables », transformés en titres, accentuant la volatilité des marchés, leur sensibilité aux variations d’aléas externes. Les banques sont devenues aussi des « brokers de dettes ». Nous sommes passés d’un capitalisme industriel d’entreprenariat et d’une économie financée par le crédit (dont la rentabilité était évaluée sur un long terme) à un capitalisme financier de marché, où non seulement les entreprises, leur risques, leurs crédits, mais aussi des ensembles d’entreprises (fonds d’investissement), des indices boursiers ou de prix de matières premières énergétiques, de métaux ou de denrées alimentaires et même des indices climatiques, des variations de taux, se négocient comme des marchandises. Le prix d’équilibre du marché n’étant pas forcément le reflet d’une réalité économique d’ensemble, mais de résultats de spéculation, d’anticipation du prix futur, accentuant les tendances haussières ou baissières et amplifiant les variations de cours et se propageant entre secteurs et entre instruments financiers.
- de nouveaux produits ont vu le jour, toujours plus sophistiqués.
Citons quelques exemples :
- La multiplication des opérations de LBO à effet de levier (« Leveraged Buy Out»), visant à faire acheter sans recours (avec prise de risque très limitée) une entreprise par un fonds spéculatif, sponsor financier, en finançant le rachat de l’entreprise par un emprunt gagé sur les actifs de l’entreprise, puis offrir une perspective d’amélioration de la rentabilité par restructuration, délocalisation, changement du management, en vue de revendre l’entreprise en faisant une plus-value (d’où l’intérêt de viser un profit à court terme) ;
- Les nouveaux produits de titrisation (« securitization » en anglais), technique financière qui transforme des actifs peu liquides, c’est-à-dire pour lequel il n’y a pas véritablement de marché, en valeurs mobilières facilement négociables comme des obligations. Chaque investisseur acquiert en quelque sorte une fraction du portefeuille d’actifs « titrisés », sur la base des flux financiers futurs des actifs, qui garantissent le remboursement des obligations.
- Les CDS (Credit Default Swaps ), permettant d’acheter et de vendre du risque sur un acteur, une entreprise, ou un ensemble d’entreprises.
Pour ceux qui veulent comparer toutes les interventions et l'article de Marianne, il suffit de poursuivre la comparaison avec les interventions de Jean-Jacques Jégou.
C'est une excellente nouvelle, car cela prouve que nos sénateurs sont à l'écoute de notre blogosphère et parviennent à identifier et à reprendre les analyses les meilleures pour les intégrer dans leurs propres analyses. Ainsi, le lien est-il établi entre la base et le sommet. Je ne suis pas du tout certain que les autres partis politiques puissent en dire autant !