Magazine Poésie
Il parle encore
Ni pardon ni répit, dit le monde,
Plus de place au sénat du loisir !
On rend grâce et justice au désir
Qui te prend d'une paix si profonde,
Et l'on eût fait trêve avec plaisir,
Mais la guerre est jalouse : il faut vivre
Ou mourir du combat qui t'enivre.
Aussi bien tes voeux sont absolus
Quand notre art est un mol équilibre.
Nous donnons un sens large au mot : libre,
Et ton sens va : Vite ou jamais plus.
Ta prière est un ordre qui vibre ;
Alors nous, indolents conseilleurs,
Que te dire, excepté : Cherche ailleurs ?
Et je vois l'Orgueil et la Luxure
Parmi la réponse : tel un cor
Dans l'éclat fané d'un vil décor,
Prêtant sa rage à la flûte impure.
Quel décor connu mais triste encor !
C'est la ville où se caille et se lie
Ce passé qu'on boit jusqu'à la lie,
C'est Paris banal, maussade et blanc,
Qui chantonne une ariette vieille
En cuvant sa " noce " de la veille
Comme un invalide sur un banc.
La Luxure me dit à l'oreille :
Bonhomme, on vous a déjà donné.
Et l'Orgueil se tait comme un damné.
Ô Jésus, vous voyez que la porte
Est fermée au Devoir qui frappait,
Et que l'on s'écarte à mon aspect.
Je n'ai plus qu'à prier pour la morte.
Mais l'agneau, bénissez qui le
Et puis, bon pasteur, paissez mon coeur :
Il est seul désormais sur la terre,
Et l'horreur de rester solitairepaît !
Que le thym soit doux à sa bouchette !
Que le loup respecte la houlette !
Le distrait en l'étrange langueur
D'un espoir qui ne veut pas se taire,
Et l'appelle aux prés qu'il ne faut pas.
Donnez-lui de n'aller qu'en vos pas.
1879.
Liens : sites Paul Verlaine
www.paul-verlaine.net
www.mag4.net
LES COMMENTAIRES (2)
posté le 28 mars à 20:23
sait kifan .