Dimanche dernier, affalé dans un canapé de mon papy, je lisais d'un oeil le Nouvel Observateur tout en suivant vaguement Stade 2 de l'autre. Et là, sans prévenir, un titre m'a sauté à l'oeil qui n'était pas sur la télé : Amour et Politique.
La question est simple : peut-on partager la vie de quelqu'un dont on ne partage pas les idées ?
Un(e) chéri(e), c'est quand même quelque chose de particulier.
Autant un parent qui a des idéaux opposés aux siens, ça passe encore. Déjà, ça anime des réunions de famille qui se révèleraient autrement d'un ennui sans nom, mais à la limite même on passe, si on est de droite, pour quelqu'un d'ouvert : « Ha mais tu sais, j'ai un cousin qui a des rastas et qui joue du djembé, ben pourtant on s'entend vachement bien, d'ailleurs, on jouait aux pirates ensemble quand on était petits » ou « Je suis vachement content que ma petite soeur soit communiste, si on a pas des idéaux à son âge, on les aura jamais. Ha bé faut bien que jeunesse se passe, hein, tiens, remets-moi une ptite coupe de mousseux ».
Si on est de gauche, il est acquis d'avance qu'on a l'esprit ouvert, sinon on serait de droite, donc un parent de droite ou pas de gauche, ou de gauche mais pas de la même tendance interne au Parti (quel qu'il soit) permet de passer pour quelqu'un qui ne fait pas de concession avec ses idéaux : « Putain, ma soeur a voté blanc, elle a aucune conscience citoyenne, je lui ai pas adressé la parole depuis les présidentielles. Ha mais j'y crois pas, l'an dernier, elle se prétendait trotskiste. Allez, remets-moi un ptit rouge.»
En ce qui concerne les amis, c'est plus délicat, mais l'amitié en dehors de son cercle politique peut présenter de nombreux avantages.
Hypothèse 1 : je suis de gauche : un ami médecin (pour soigner mon rhume attrapé en manif sous la pluie) ou avocat (pour me défendre contre les accusations d'avoir cogné des CRS en manif), ça peut être utile. Mais c'est difficile d'en trouver qui ne soient pas de droite, de ces gens-là. Pareil pour les garagistes.
Hypothèse 2 : je suis de droite : un ami artiste (donc vivant à la marge de la société, et nécessairement de gauche) me permettra de me faire remarquer dans les salons que je fréquente, ce qui ne peut qu'être profitable à mon image donc à ma carrière.
Dans les deux cas, c'est utile d'avoir des amis extérieurs.
Mais l'amour, mes amis. L'amour. Il a beau être aveugle, peut-il supporter l'achat compulsif de ponchos équitables et les charges de CRS si l'on est pas soi-même exalté par l'engagement de Jean Ferrat et Tryo ?
Peut-il supporter que son objet bazarde ses employés au nom du profit et cautionne les parachutes dorés si l'on est pas soi-même enclin à travailler plus en écoutant Michel Sardou pour gagner plus et s'acheter un 4x4 et un lévrier afghan ?
Hein ? Hein ?
Ouais, nan, quoi.
Quoique, si on aime les relations sado-masochistes, peut-être. <>