Et...
Boire des bulles. Avec de l'eau dedans. De l'eauxigène. S'allonger sous un saule, en pleine photosynthèse, et respirer les effluves. Sentir la mousse, le houblon, la paille, le vert, et boire un grand coup. Grignoter des noisettes. N'en faire aucune économie. Pisser au vent et choper ainsi le vol d'un oiseau, les sauts d'un écureuil, le cri du champignon. Regarder des filles depuis une terrasse. Et non un mirador. Sourire d'un couple d'étourneaux qui ne se retourne pas. Ne pas s'en détourner. Mépriser froidement la ville, lui intimer l'ordre de se taire, avoir les bras ballants devant ce silence soudain, se surprendre à n'en revenir pas de comme c'était facile. Éclater de rire avec ce nouveau jeu. Sans les mains. Sans l'index dans l'oreille. Niquer le brouhaha et s'en amuser. Couper les téléphones, éteindre les mobylettes, mettre en prison les klaxons. Sans remords.
Et aussi...
Dormir. Se pelotonner. Faire son chat au chaud. Cesser d'avoir le nez bouché. La gorge qui râcle. Tousser et expulser son propriétaire. Faire du vélo avec son fils. Aller à la piscine et devenir un as du sous l'eau. Gorge déployée avec cette vision des gens et de leurs membres soudain déformés. Beauté ? Relative. Perdre au Yams sur une serviette de bain. Aimer la tonnelle et glousser avec madame dans un hamac. Adresser en butinant un doigt d'honneur au voisin qui mate. Choisir un terrain de camping. S'allonger sur le moelleux d'un sol dur et n'en éprouver aucune amertume. Lire un bon bouquin. Et puis un autre. Et puis encore un autre. Se dire que puisqu'on peut taire la ville, on peut étendre le temps. Eclater de joie avec ce nouveau jeu. Sans les mains.
Mais encore...
Grimper dans la voiture et partir en vacances sans valises dans le coffre et sous les yeux. S'endormir devant la télé en sachant qui a tué la pianiste. Saison 2. Écouter une voyante me dire demain et rire en rependant au majeur adressé au voisin. Croiser des cassandres avec des journaux sous les bras et des croissants pour sentir bon. Se gausser des mines grises et des pisse-froid, à chaudes larmes, sans le rimel ils ne valent pas grand chose, avec le rimel pas plus d'ailleurs. Les faire disparaître de ses yeux et de sa mémoire d'un claquement de doigts. Ecouter le pfuitt que ça fait. Remonter son col et avancer vers les gens qui sont restés debout. Dans la ville tue. Dans les rues éteintes. Dans les bureaux vidés de leurs bourreaux. Dans le temps espacé.
Et enfin...
Aimer ce monde-là délesté par ses pores de tous ses matelots. Aimer cette humanité retrouvée, sans énergie fossile et sans faux-cils, avec un coeur en bandoulière pour tout bagage. Croiser des yeux complices et aimer ce langage-là. Tendre l'oreille toutefois car les loups, les ours et les lions se sont rués vers ce monde nouveau pour y dicter leur loi. Se dire putain de merde ça recommence. Se souvenir de l'incroyable force jaillie de soi. Se laisser envahir par cette force. Regarder le ciel et la terre, les étoiles filantes et les nuages. Considérer, une bonne fois pour toute, qu'il y a de la place pour tous et de l'espace pour chacun. Aimer cette idée que le faire plus est mort, avalé par le tusnami des consciences, et que l'être mieux va faire son chemin, sans béton et sans armées. Rêver, oui. Créer. Inventer le son inconnu que tout le monde traque et sentir qu'il n'est que celui du roseau contre la caverne.