L’Europe vagabonde semble se ressaisir. À qui le mérite ? Qu’importe ! Ce qu’il restera, c’est que lorsque l’Europe parle d’une seule voix, elle est puissante et peut
compter dans le monde.
Le SAMU est venu le 12 octobre 2008 au sommet de l’Eurozone et se traduit par un Conseil des Ministres le 13 octobre, par un vote important à l’Assemblée Nationale le 14 octobre, par un Conseil
européen les 15 et 16 octobre et par une rencontre à Camp David entre les dirigeants européens et George W. Bush le 17 octobre.
Le plan pour aider les banques qui a été adopté par l’Assemblée Nationale a nourri beaucoup de polémiques, d’incompréhensions et de
rancœur.
En clair, on reproche à ce plan de faire financer par les contribuables (l’État) tout un système qui s’est lui-même mis en crise après en avoir faire
profiter un très petit nombre. Et avec des sommes énormes alors que le millième est déjà difficile à débloquer pour des causes nettement plus morales comme l’aide aux plus défavorisés, à
l’intérieur comme à l’extérieur du pays.
Peut-être le plan Paulson a-t-il causé beaucoup de confusion dans les esprits, car ce que proposent les Européens est très différent de la réaction
de l’État américain de vouloir racheter des actifs sans valeur.
Que dit le plan adopté mardi par les députés français ?
Il dit que l’État se porte garant des crédits interbancaires à hauteur de 360 milliards d’euros jusqu’au 31 décembre 2009.
C’est-à-dire que ces 360 milliards sont plutôt dans le virtuel pour l’instant.
La recapitalisation, c’est une renationalisation du système bancaire. Mesure cocasse prise dans l’urgence (c’est encore plus cocasse aux États-Unis).
L’État achète des actions aujourd’hui (sans droit de vote mais avec capacité d’en changer les dirigeants) et compte les revendre dans quelques temps une fois la crise passée. À moins que la
banque dans laquelle l’État a investi n’existe plus…
La garantie se réalisera avec contrôle (reste à savoir comment s’opérera concrètement ce contrôle). De plus, cette garantie est payante. Et si
l’établissement bancaire (au bord de la faillite alors) devait faire jouer cette garantie, alors l’État serait rémunéré en intérêts élevés pour son intervention financière (temporaire) et
émettrait un emprunt afin de pouvoir accéder aux montants garantis.
En contrepartie, l’État s’assurerait que les fonds éventuellement débloqués seraient « orientés vers les prêts à l’économie française » (c’est-à-dire pour les entreprises,
les particuliers et les collectivités locales) et se conformeraient à « des principes éthiques ».
Cette construction est certainement bancale, mais elle est néanmoins nécessaire à condition que les autres pays européens le fassent aussi. Ce qui
est le cas avec près de 2 000 milliards d’euros qui seraient ainsi impliqués "virtuellement", soit quatre
fois plus que le plan Paulson (dont 480 milliards d’euros pour l’Allemagne, 382 milliards d'euros pour la Grande-Bretagne).
Pour le Premier Ministre François Fillon, « la simple existence de ces outils devrait suffire à
ramener la confiance dans le système interbancaire ».
Le risque, dans l’hypothèse la plus noire, c’est que la crise continue (les bourses asiatiques se sont effondrées ce matin d’une dizaine de
pourcents) et que les 2 500 milliards d’euros des plans américain et européen ne soient pas suffisants…
Il y a eu cependant une efficacité immédiate de ces mesures : les indices boursiers du monde entier ont grimpé pendant deux jours. La
baisse après le rebond ne doit pas masquer deux choses : d’une part, ce plan destiné en urgence à redonner mutuellement confiance aux établissements bancaires a bien fonctionné (l’objectif
d’urgence est atteint) ; d’autre part, c’est l’Europe qui a su "reprendre" le leadership de l’économie mondiale (pour combien de temps encore ?).
Cette "européanisation" de l’économie mondiale se déroule parallèlement à la création pour janvier 2009 d’un groupe de réflexion sur l’avenir de
l’Union qui sera présidé par l’ancien Premier Ministre espagnol socialiste Felipe Gonzalez et dont le but sera de réfléchir « sur le
sens, le contenu et l’identité du projet européen pour le XXIe siècle »
Quelle est la paternité de ce plan de réactivation du marché interbancaire ?
Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, Gordon Brown, Jean-Claude
Juncker… ? Sans doute que chacun dans son pays se l’accaparera, cette paternité (ou maternité). Et pourquoi pas ? Chaque dirigeant européen en a été l’acteur sinon
l’initiateur.
Laissons Nicolas Sarkozy de côté. Il est évident qu’en présidant le Conseil européen dans une période doublement trouble (Géorgie et crise
financière), il n’a pas eu un semestre de tout repos et voudra évidemment le valoriser politiquement alors que les sondages ne sont pas au beau fixe. Ce qui est naturel et humain.
En fait, ce n’est pas le plus important. En tous temps, il y a toujours eu des "récupérateurs" professionnels des idées des autres. L’essentiel,
c’est que ce plan redonne confiance aux acteurs financiers, ce qui est loin d’être durablement acquis.
Qui a voté ces mesures à l’Assemblée Nationale ?
Fidèlement, les députés UMP ont voté en faveur du projet du gouvernement, mais qui s’en étonnera ?
Fidèle également à ses convictions européennes et économiques, François Bayrou a apporté son soutien au gouvernement, sans pour autant lui donner un
chèque en blanc. Sa position est d’autant plus courageuse qu’il veut être le premier opposant au Président Nicolas Sarkozy. Le fait d’avoir su faire la différence entre l’intérêt du pays et son
propre intérêt électoral est tout à son honneur et je pense que son positionnement le soir du 14 octobre 2008 est en quelques sortes "fondateur" de sa stature d’homme d’État.
Les communistes aussi sont restés fidèles à leurs convictions en refusant de soutenir le gouvernement. Redevenant anticapitalistes à outrance (après
avoir participé à un gouvernement socialiste qui a mis en œuvre la monnaie unique européenne, j’aime bien le rappeler !), le PCF se cherche une nouvelle virginité pour contrer la rude
concurrence d’Olivier Besancenot.
Et les socialistes ? Comme pour le Traité de Lisbonne, comme pour plein de décisions essentielles sur l’avenir du pays : les députés
socialistes ont décidé de s’abstenir. De ne pas avoir d’opinion sur ce sujet crucial !
Ils prétendent vouloir un plan social à côté du plan financier. Ils n’osent pas reconnaître qu’ils sont favorables aux mesures gouvernementales. Mais
pas tous, et les profondes divisions idéologiques au sein du Parti socialiste vont lui donner une bien mauvaise image lors son Congrès dans moins d'un mois à Reims.
Divisions idéologiques et surenchères des écuries présidentielles, cela feraient un bien noir tableau dans un monde au proie au doute, dans une
atmosphère de crise financière internationale et de fin de règne aux États-Unis.
Heureusement, pas d’élection à l’horizon
Le Président de la République Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon bénéficient d’une chance inestimable : ils n’auront pas à
affronter une élection nationale avant trois ans et demi. Cela leur laisse un peu de temps pour éviter de traduire la panique financière en panique électorale.
Avantage que n’ont pas les Américains, qui votent dans trois
semaines et dont le plan Paulson, valable il y a trois semaines, ne paraît plus vraiment d’actualité : les État-Unis devront-ils alors imiter pour une fois cette vieille Europe qu’ils
ont tant moquée ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (16 octobre 2008)
Pour aller plus loin :
Communications sur la crise financière au Conseil des Ministres du
13 octobre 2008.
Discours du Premier Ministre François Fillon le 14 octobre 2008 à
l’Assemblée Nationale.
Audition parlementaire sur la crise financière (2 octobre
2008).
Première journée du sommet européen de Bruxelles (15 octobre
2008).
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=45873
http://fr.news.yahoo.com/13/20081016/tot-le-plan-europeen-contre-la-crise-mon-89f340e.html
http://www.lepost.fr/article/2008/10/16/1289794_le-plan-europeen-contre-la-crise-mondiale.html
http://www.kydiz.com/article/1812-Le-plan-europeen-contre-la-crise-mondiale.htm