Ce petit livre nous raconte des naissances "singulières", violentes ou joyeuses, toutes synonymes de rupture avec un présent dans lequel, tout à coup, le miracle , celui presque banal d'une "venue au monde", advient : un accouchement dans un camp, pendant la seconde guerre mondiale ; un autre qui tourne court ; ou celui-ci, plus paisible, qui touche le narrateur, la naissance de cet enfant dont il est le père...
Naissances est chargé d'émotions, il relate une vision d'homme, assez juste, sur nos corps de femmes au travail. Il y a du respect, de l'admiration et de la beauté, même dans les moments les plus durs. Comment ne pas être touchée par cette langue, très belle, de qualité, celle de Pierre Péju ? Comment ne pas souffrir auprès de ces femmes dont tout l'être est soumis au besoin impérieux de pousser, d'expulser cette vie qui les rendra mères ? Comment ne pas revivre ses propres accouchements à travers cette lecture ? Alors, même si quelques petits détails m'ont semblé parfois systématiques (processus de la "perte des eaux" par exemple), voici un récit qui me donne envie de connaître mieux cet auteur à l'écriture si précise et poétique.
Un extrait...
"Voilà, j'écris l'histoire de cette femme d'une vingtaine d'années, arrêtée alors qu'elle est enceinte pour la première fois, et qui s'apprête à accoucher, avant la déportation, dans un camp d'internement français.
Vient un moment où c'est l'écriture elle-même, l'écriture sur sa propre pente qui me conduit au bord de la violence, à la lisière d'une douleur qui a tant de peine à trouver ses mots. S'il y a bien dans l'écriture un désir de dire la "vie courante", une envie d'accompagner le fleuve temps, d'élargir les instants et leur banalité trompeuse, écrire, c'est aussi l'intention obscure de harponner ce qui survient, de harponner ce qui surgit brutalement, vision terrible se dérobant au regard.
Ecrire, c'est vouloir distinguer à travers des mots ce qu'en réalité on ne peut voir : naissance et mort, apparition et disparition fulgurantes des êtres. Perpétuité de ces catastrophes."
Merci à Kloelle de m'avoir fait ce joli cadeau, juste avant une dérobade qui, je l'espère, ne sera que provisoire...