Nicolas Sarkozy est persuadé qu’il peut empêcher la terre de tourner…

Publié le 15 octobre 2008 par Dominique Foucart

Il est donc possible de décréter qu’une foule, dans un pays démocratique, ne peut pas s’exprimer verbalement, si cette expression, libre, peut être ressentie comme insultante, subjectivement, aux yeux de “l’honneur national”.

C’est du moins ce que décide de faire Nicolas Sarkozy quand il convoque le président de sa fédération de football, pour en exiger qu’à l’avenir il fasse suspendre toute rencontre internationale amicale si l’hymne national est “trop” sifflé par le public.

Qu’on me comprenne bien, je ne défends nullement les énergumènes qui ont sifflé la marseillaise au début du match amical d’hier. C’est regrettable dans un contexte sportif. Mais mon opinion n’a aucune valeur en face des faits. Un groupe de citoyens libres, s’exprime librement face à une entité fondamentalement inexistante. Je ne vois pas très bien comment “l’honneur de la France” pourrait aller porter plainte. Il faut pour cela qu’un homme prétende s’y identifier.

De plus, cette attitude du président français est très inquiétante. Elle relève des méthodes appliquées dans les régimes totalitaires qui stigmatisent des comportements de masse pour pouvoir réprimer les même masses. Bien entendu, la punition sera relativement légère: “vous serez privé de foot”, mais elle crée une normalité inquiétante.

Fondamentalement, en décrétant la punition, Nicolas Sarkozy lui enlève sa valeur. L’effet eut été bien plus impressionnant si, lorsque le public avait commencé à siffler, les joueurs des deux équipes avaient par exemple quitté le terrain. Cela devenait une réponse spontanée des acteurs, proportionnée à la violence qui leur était faite comme représentants de la collectivité “humiliée” (pour les joueurs français) et comme réponse éducative de la part des héros de la collectivité “humiliante” (pour les autres joueurs).

Nous assistons d’ailleurs (dans une autre mesure, plus pernicieuse encore) au même type de schéma quand aux Etats-Unis Mr McCain est obligé de reprendre le micro à une dame qui vient de dire dans un de ses meetings “Barack Obama est un arabe”, et ou le candidat républicain lui répond cette monstruosité (sous prétexte de rétablir le respect) “Non madame, Monsieur Obama n’est pas ce que vous dite [un arable], c’est un homme respectable, etc…” et donc, l’équation devient “les arabes ne sont pas respectables”.

Lorsque l’on fait appel aux simplifications haineuses, il ne faut pas être surpris par les retours de flammes, et ceux-ci risquent d’être douloureux pour le français comme pour l’américain.