L'Etat nounou n'a rien fait pour les banques suisses. Elles ont dû se débrouiller toutes seules. Pour elles pas de sauvetage aux frais du contribuable, du genre prêts, garanties ou
entrées dans le capital. C'est l'exception helvétique. Les banques suisses n'ont rien demandé à l'Etat qui ne leur a d'ailleurs pas offert sa protection.
Il est vraisemblable que, si la Suisse avait fait partie de l'Union européenne (voir mon article La voie royale des bilatérales entre
l'UE et la Suisse ), elle aurait été obligée de demander aux contribuables du pays d'ouvrir leur porte-monnaie, avec la promesse d'être remboursés peut-être un jour quand le mauvais temps ne
serait plus qu'un souvenir... Pourtant depuis le début de l'année les deux grandes banques du pays ont été malmenées.
L'UBS qui était la plus touchée - et a dû faire des dépréciations d'actifs de 43 milliards de dollars depuis l'été 2007 - a procédé à deux recapitalisations :
13 milliards de francs en février, 16 milliards de francs en mai. Après une perte de 11,5 milliards de francs au 1er trimestre et de 358 millions de francs au 2ème trimestre, l'UBS
devrait faire un léger bénéfice au 3ème. Elle s'est recapitalisée à temps, quand il y avait encore des liquidités et elle attire maintenant d'autres liquidités en provenance de
l'étranger.
Le Crédit Suisse jusqu'à présent s'est montré en meilleure forme. Il devrait toutefois accuser une perte au 3ème trimestre qui sera annoncée le 26 octobre prochain, même s'il a attiré 14
milliards de francs dans ses caisses au premier semestre en provenance de l'étranger. Du coup la semaine dernière le cours de l'action a été très chahuté : baisse de plus de 40% en une
semaine, plus que compensée les deux premiers jours de cette semaine. Car le Credit Suisse fait l'objet de convoitises, ce qui veut bien dire qu'il n'est pas jugé, ni qu'il
n'est, si mal en point. La société de participation israélienne Koor Industries a acquis lundi 3% du capital et Morgan Stanley pour près de 10% (sans doute pour le compte d'une autre
banque).
L'ASB (l'Association suisse des banquiers) ici qui regroupe les 320 banques du pays est sereine, de même que l'ABPS (l'Association
des banquiers privés suisses) ici qui est constituée d'un cercle plus fermé de 14 banques parmi ces 320. Pierre
Mirabaud (voir photo ci-dessus) qui est président de la première, et membre de la seconde, déclarait il y a trois jours qu'aucune banque suisse n'allait s'écrouler (voir 24
heures du 12.10.08 ici ). Il affirmait même que
l'UBS et le Crédit Suisse n'étaient pas au coeur du cyclone et n'auraient pas de probléme de capitalisation. C'était pourtant avant la remontée spectaculaire des cours des deux premiers
jours de cette semaine.
La sérénité des banques se retrouve chez leurs clients. Il n'y a pas de panique. Certes les deux grandes banques voient une partie de leurs clients les déserter pour aller vers les banques
cantonales ou vers d'autres banques, mais ces mouvements ne sont pas massifs. Parmi les banques qui tirent leurs marrons du feu, il y a le groupe des Banques Raiffeisen. Ce
dernier a gagné "quelque 100'000 nouveaux clients depuis le début de l'année", ce qui représente un milliard de francs d'argent frais enregistré tous les mois (voir 24
Heures du 15.10.08 ici ).
L'afflux d'argent en provenance de l'étranger n'irrigue pas seulement les deux grandes banques que sont l'UBS et le Crédit Suisse. Un employé d'une banque privée genevoise, cité par Le
Matin du 13.10.08 ici , déclare :
"Tous les jours, nous ouvrons de nouveaux comptes pour des clients étrangers. L'argent afflue de partout." Dans le même article du Matin un gestionnaire de fortune fait cet aveu : "Nous
bénéficions actuellement de notre indépendance économique. Nous n'avons de compte à rendre à personne et nous pouvons décider seuls de notre politique financière".
De peur que la Suisse ne soit considérée comme une "profiteuse", la ministre de l'économie, Doris Leuthard, s'est cru obligée de rappeler que la BNS (Banque nationale suisse) ici était intervenue, et intervient, pour mettre à disposition des liquidités sur le marché monétaire international.
Pour terminer ce bref tour de la situation des banques suisses, il faut souligner que les dépôts bancaires ne sont garantis ici que jusqu'à hauteur de 30'000 francs, ce qui est peu en comparaison
internationale. La question de relever ce montant sera débattue ces prochaines semaines au parlement. Il est à noter que cette garantie ne dépend pas de l'Etat mais des banques
elles-mêmes, qui ont constitué un fonds à cette fin. Ce fonds est de 4 milliards de francs à l'heure actuelle.
Hasard du calendrier : le Conseil fédéral a décidé aujourd'hui de l'entrée en vigueur au 1er janvier 2009 de la loi sur la surveillance des marchés financiers, votée le 22 juin de l'an passé par les Chambres fédérales. Comme il le rappelle dans un communiqué ici , "la loi vise à regrouper la surveillance étatique des banques, des entreprises d'assurances et des autres intermédiaires financiers au sein d'une seule autorité de surveillance". Comme la Suisse n'est pas parfaite, elle ne peut tout de même pas se garder de tout interventionnisme...
Francis Richard