Citrouilles, courges, courgettes, giraumonts, potirons et coloquintes ne nous fascinent pas seulement parce que nous les utilisons pour apostropher nos semblables. Leur rôle d’acteur vedette dans notre langage usuel comme dans nos contes de fées confirme ces cucurbitacées dans l’attrait mythique que nous leur vouons. Ainsi l’automne voit-il se disputer, dans l’ocre des villages, de fastueux concours de courges où l’on peut même se classer champion hors catégories en se contentant d’arriver les mains vides. Blague à part, il faut pourtant se rendre à l’évidence : la contemplation de ces chefs-d’œuvre du règne végétal, un matin de soleil dans le jardin, n’est plus à la portée de tous. Comment ne pas s’écœurer d’injustice en sachant que certains gosses, nés au milieu du béton, accèdent parfois à « l’âge de raison » sans avoir assisté au triomphe, à l’apothéose d’un potiron au milieu d’un carré de choux ? La fée n’a pourtant pas choisi ce fruit par hasard pour dépanner Cendrillon qui avait besoin d’un carrosse !
(Texte paru il y a longtemps dans la revue Germes de barbarie n°7 dirigée par Bernard Deson)