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Qu'est-ce que le mercenariat ? (2/2)

Publié le 14 octobre 2008 par Theatrum Belli @TheatrumBelli
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    Pendant toute l'histoire connue, jusqu'à la Révolution française, le mercenariat a été la règle et la conscription l'exception. Sans devenir une partie de plaisir, les bagarres entre Etats conservaient une certaine mesure. On rasait un village, on détruisait une ville, on pillait Parfois sans modération, jamais on n'exterminait un peuple entier.

    C'est vers la fin du XVIIe siècle que les exigences de la politique conduisirent à la volonté de constituer des armées plus nationales, sans pour autant fermer la porte à l'efficacité. C'est ainsi qu'un tiers des armées de Louis XV était constitué de régiments étrangers, achetés ou loués "clefs en mains".

    Puis l'idéologie égalitaire s'en est mêlée et a imposé la conscription. Tous égaux ! Ce fut le début du carnage.

    Le conscrit de l'An II a tenté de tuer le mercenaire. C'est là son plus grand crime. Car la guerre est devenue totale, idéologique et exterminatrice. Ceux qui, au nom des valeurs d'humanisme et de liberté ont imposé la levée en masse, le peuple en armes et la destruction du vieil ordre portent une responsabilité écrasante. Jusque-là relativement limités, les conflits n'ont pas tardé à embraser l'Europe entière, avant de dégénérer en guerres mondiales.

    Quelques années après le début de la conscription en France, l'Europe était à feu et à sang. En 1866, l'Allemagne s'y mettait, et l'Angleterre en 1914. La fine fleur de la jeunesse européenne s'entretuait alors par millions dans les tranchées de la Marne, de la Somme, de Verdun... Personne n'a jamais été jugé pour cela.

    Face à l'hypocrisie moderne

    En revanche, les procès de mercenaires, vrais ou supposés, n'ont pas manqué, a commencer par le plus célèbre d'entre eux, Bob Denard, condamné à cinq ans de prison avec sursis pour avoir tenté, pour le compte de plusieurs Etats dont la France, de renverser le régime marxiste et sanglant de Mathieu Kérékou au Bénin, puis poursuivi (et, tout de même, acquitté) pour la mort du président comorien Ahmed Abdallah.

    Au Soudan, fin 1971, Rolf Steiner fut condamné à mort au terme d'une hallucinante parodie de procès. "Mais par la grâce de notre généreux président, la peine de mort a été commuée en vingt ans de détention criminelle", lui annonça-t-on. Il fallut l'intervention de la République Fédérale d'Allemagne pour qu'il soit libéré trois ans et demi plus tard.

    En Angola, en juillet 1976, le "colonel Callan" et trois autres combattants furent condamnés à mort et exécutés pour "crime de mercenariat" et "crime contre la paix". Neuf autres, britanniques et américains, écopèrent de seize à trente ans de prison. Même si cette affaire est un peu en marge par rapport aux grandes opérations mercenaires modernes, le procès de Luanda sanctionne un précédent historique dont il est nécessaire de tenir compte: ce sont les premières véritables représailles juridiques organisées par un Etat contre le mercenariat. D'autres suivront, n'en doutons pas.

    Les condamnations médiatiques larmoyantes du mercenariat ne manquent pas non plus: de la presse "bien-pensante" aux organisations internationales, on s'indigne vertueusement à chaque fois qu'une poignée d'hommes décidés tente de changer le cours de l'histoire dans une république bananière.

    On ne peut manquer d'être frappé par la consternante pauvreté des arguments déployés par des groupes de pression qui mènent régulièrement et activement campagne pour la ratification française de la convention anti-mercenaire de l'ONU.

    La logorrhée la plus édifiante, monument de malveillance et de contre-vérité, est de François-Xavier Verschave, spécialiste autoproclamé de la question, auteur d'ouvrages qui, paraît-il, font référence auprès d'un public non averti. Un seul exemple suffira, tiré d'un document nommé Mercenaires : Halte là ! "Au Biafra en 1967, les mercenaires français sont intervenus pour entretenir une guerre ayant pour but de miner le Nigeria, géant anglo-saxon. Cette intervention a eu pour conséquence directe le prolongement de la guerre civile et de la famine provoquant la mort de centaines de milliers de Biafrais." (sic !)

    En clair (ceux qui connaissent un peu l'histoire du drame biafrais apprécieront) Verschave regrette que les mercenaires français aient retardé l'extermination du peuple biafrais. En suivant ce raisonnement jusqu'au bout, il ne faut pas se défendre car cela prolonge les souffrances. A ce compte, les volontaires des Brigades internationales pendant la guerre d'Espagne sont des assassins, tout comme, plus tard, ceux des Forces Françaises Libres, car ils ont contribué à prolonger la guerre !

    A la fin de son journal de marche au Zaïre, début 1997, le chef du groupe de mercenaires qui s'opposa à la folie sanguinaire de Kabila notait : "Tout au long de cette opération, j'ai mesuré la distance qui nous séparait des stéréotypes véhiculés sur notre action dans les milieux "bien-pensants". A les entendre, nous serions des prédateurs de l'Afrique, guidés par l'appât du gain, sans scrupules, voire pour certains des tueurs psychopathes. Au contraire, partout où nous sommes passés, les populations ont vu en nous la garantie d'une conduite irréprochable. Là où nous sommes restés, les civils sont venus se mettre sous notre protection, naturellement, sans hésitation et sans crainte, certains à juste titre que notre présence garantissait leur sécurité." Là réside certainement une des principales caractéristiques des mercenaires français en Afrique.

    Rendre les mercenaires responsables des conflits qui ravagent le monde procède de la même incongruité que prétendre interdire les armes au prétexte que les criminels peuvent s'en servir. De même que ce n'est pas l'arme qui commet le crime, mais bien le criminel lui-même, ce n'est pas le mercenaire qui est fauteur de guerre, mais bien le politique qui continue ainsi son action "par d'autres moyens", nous dit Clausewitz.

    A une époque où les frappes "chirurgicales" ne semblent porter ce nom que parce qu'elles remplissent les hôpitaux de victimes civiles, il faut une bonne dose d'hypocrisie pour justifier les crimes commis au nom de la morale occidentale, et en même temps condamner le mercenariat dont l'un des effets majeurs, tout au long de l'histoire, a été de limiter l'ampleur des conflits en les résumant à une explication entre professionnels.

    Combien de victimes, tant militaires que civiles, auraient pu être évitées depuis le moulin de Valmy, si l'on n'avait pas réussi à faire croire que c'est le peuple en armes et non la diarrhée qui eut raison des armées de Brunswick ? Le discours autorisé dévalorise les mercenaires, car ils sont la mauvaise conscience des héritiers de l'idéologie dite "des Lumières", au nom de laquelle les soldats doivent se faire tuer, pour un salaire dérisoire, au profit d'un "bien" absolu que les puissances financières tentent d'imposer au monde entier, tant il est vrai qu'elles ne sont pas pressées de partager leurs "biens" relatifs.

    On ne s'étonnera donc pas que les mercenaires soient souvent mal vus des autorités tant "morales" que politiques. On ne s'en inquiétera pas non plus car, comme l'écrivait Jean Lartéguy, "ils ne se soucient que fort peu de l'opinion de leurs contemporains. C'est en cela qu'ils diffèrent des autres hommes".

    Mais cette parenthèse anti-mercenaire, malgré son coût humain et ses conséquences désastreuses, n'a pas tué le mercenariat. Tôt ou tard, le réel refait toujours surface et terrasse les idéologies.

    Un réel que Roger Bruni, ancien de Dien Bien Phu, figure emblématique du mercenariat français en Afrique, résumait ainsi :

    "Article 1: le mercenaire est un seigneur.

    Article 2: un seigneur ne peut être que mercenaire"

    François-Xavier SIDOS

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