Jacques Chirac a déjà bénéficié de deux traitements de faveur. Le premier concerne le fait que les juges se soient déplacés. Le second c'est qu'avec l'indice de sa lettre manuscrite, il reste en simple situation de témoin assisté alors même que juridiquement la mise en examen devait s'imposer dans le dossier des emplois fictifs de la Ville de Paris.
Sur le fond la position défendue par Jacques Chirac ne correspond en aucune manière à la définition retenue par les juges dans plusieurs affaires qui ont défrayé la chronique.
Les juges ont retenu que les dépenses politiques étaient une mesure d'enrichissement personnel puisque le financement par des tiers avait contribué au non appauvrissement du principal bénéficiaire.
En l'espèce, s'il était avéré que les collaborateurs travaillaient pour la campagne de J. Chirac, selon cette interpétation, il y aurait donc matière à qualification juridique d'enrichissement personnel puisque J. Chirac n'a pas financé personnellement des agents travaillant pour lui.
Cette "largesse d'interprétation" dans la présentation du Chef de l'Etat est caricaturale de l'hypocrisie généralisée avec laquelle la France a traité et traite encore les relations entre l'argent et la politique.
Pendant la décennie 90, la Justice s'est affirmée dans une ambiance très particulière. De 1986 à 1993, la montée en puissance des affaires est un phénomène sans précédent dans la vie publique française.
A compter de la fin de l'été 1986, d'accidents épisodiques et éphémères, les affaires deviennent le repère permanent des commentaires journalistiques, donc de l'opinion. Deux vagues aux contenus distincts vont se succéder : 1986-1989 puis 1990-1993.
Pendant la première période (1986-1989), l'ambiance est à la dénonciation et à l'inquisition journalistiques tous azimuts.
Début novembre 1987, Le Nouvel Observateur titre à sa une : "tous pourris ?" et consacre 8 pages de son numéro à dresser le match des affaires entre la droite et la gauche. La même semaine, l'autre hebdomadaire national leader Le Point consacre lui 6 pages aux "finances secrètes des partis politiques". Tout y passe : scandales, affaires, trafics d'influence, fonds secrets, contrats à l'exportation, délits d'initiés, relations privilégiées avec des banques… Deux ans plus tard, Le Nouvel Observateur effectue en février 1989 une étape supplémentaire. Pour promouvoir la vente de son numéro du 16 février 1989, il fait apposer dans les grandes villes de France des affichettes qui reprennent à sa une l'interrogation particulièrement provocatrice : "Votre Maire est-il corrompu ?"
Dans ce numéro, le magazine dénonce un "système de corruption généralisée".
Il faudra attendre 1992 pour que s'ouvre une nouvelle étape : l'explication et le début de la volonté de tourner la page.
A cette étape, le "pays" a considéré que les affaires favorisaient la percée du front National et donc qu'elles menaçaient la République.
Un tassement indiscutable s'est opéré.
Pour autant, les "habitudes" ont-elles réellement changé ?
La question se pose très sérieusement et impose que la France aborde sérieusement pour une fois la question des relations entre argent et vie politique.