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Certains vont se dire que cette église ne ressemble pas à
l'église Notre Dame, l'un des joyaux de la Venise du Nord. Et il
n'auront pas tort. Nous sommes pourtant bien à Bruges, commune
située dans la proche banlieue de Bordeaux. En effet, la mairie de cette ville a
mis à disposition de notre club de dégustation une pièce dans la maison des
associations, sise à côté de l'église Saint-Pierre.
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Au programme donc, ni bière, ni moules-frites : du vin, et rien
que du vin. Accompagné du casse-croûte habituel, composé de jambon, pâté,
tomates, quiches, fromages ... et de la tarte
aux figues et pignons, dont j'ai donné la recette jeudi dernier.
Heureusement que j'ai apporté ce dessert, car personne n'avait pensé à amener de
vin doux. Il eût alors fallu achever ce repas sur l'inénarrable accord Las
Cases & camembert Président. Pas dégueu, mais pas top festif non
plus...
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Avant de commencer le récit de cette dégustation, je ne peux
résister à une petite digression sur les toilettes locales. Vous l'aurez
compris, les toilettes, c'est ce que l'on aperçoit à droite sur la photo. Ce que
vous voyez au milieu, c'est un lavabo. Mais comme tout le monde ne
semble pas l'avoir compris, un petit mot écrit au dessus le précise : ce
n'est pas un urinoir ;o)
Je pense que vous l'avez déjà compris : nous sommes des adultes
responsables. Ayant onze vins à boire, nous pouvons difficilement nous
passer de crachoirs. Sauf que personne n'y avait songé (pas plus qu'aux couteaux
et fourchettes...). On a donc improvisé avec divers récipients trouvés sur
place, dont certains assez baroques. Je n'en dirai pas plus...
J'ai amené le seul vin blanc de la soirée. Pas vraiment
neutre, comme choix. C'est l'un de vins produits par mon futur employeur :
Andréa 2005, de Tirecul la Gravière. Servi à
l'aveugle, il a dérouté tous les dégustateurs quant à son origine. Alsace,
Bourgogne, Allemagne, Châteauneuf, Languedoc... Il faut dire que l'assemblage
sémillon-muscadelle en sec n'est pas très courant. Cela engendre un
nez mélangeant des notes de chèvrefeuille à celles d'agrumes confits, le tout
souligné par des arômes de pierre humide et de fumée. En bouche, c'est rond,
assez gourmand, souligné par une acidité tranchante. Le tout s'achève sur des
notes finement boisées et une noble amertume. Un bon vin, quoi!
Le premier rouge a une robe opaque, légèrement tuilée. Le
nez est sur la fraise écrasée, la boite à cigare, et le cuir, confirmant
l'évolution certaine de ce vin. La bouche est plutôt fraîche, limpide, d'une
bonne intensité, avec une finale qui se durcit quelque peu, laissant entrevoir
une pointe alcooleuse. Beaucoup partent sur du Pomerol. Ils n'ont pas totalement
tort puisqu'il est composé à 100% de merlot, cépage très fortement majoritaire
de cette appellation. Néanmoins, on en est très loin puisqu'il vient d'Afrique
du Sud. Il s'agit de Séjana 1999, vinifié par Alain Moueix.
Ceux qui lisent le blog depuis très très longtemps se souviendront peut-être que
j'avais dégusté le cabernet sauvignon du même millésime, Naledi
(à mon humble avis un cran au-dessus).
Le nez du deuxième vin nous emmène de suite sur un
Cabernet. Cassis (fruit et bourgeon), menthe, pointe animale. La bouche est
ample, mûre, avec des tannins veloutés, et une sacrée fraîcheur. Vraiment un bel
équilibre! Loire et Bordeaux sont évoqués. Tout faux : c'est un vin de Hongrie,
effectivement composé de de cabernets (sauvignon à 65%, franc à 30%) et de
merlot (5%). La cuvée Bock 1999, produite par Jozsef
Bock. Plus connue pour ses Tokaj, ce pays semble faire des rouges qui
ferait pâlir nombre de vins français...
Les arômes du troisième vin me font penser à un vin
espagnol par son côté exubérant de liqueur de mûre, d'épices exotiques et de
caramel au beurre. La bouche est bien mûre, avec des tannins bien fondus. Ca se
gâte un peu dans la finale, trop dure et un peu chaude. Dommage. Ceux qui le
voyaient en Bordeaux avaient raison. C'est la cuvée des Cerisiers
2005 du Château de Francs (Côtes de Francs).
Le nez du vin suivant annonce un vin d'une plus grande
classe. Rien d'ostentatoire, mais dieu que c'est beau! Fruits noirs, encens,
cèdre, épices torréfiés... J'adore. La bouche est d'une grande densité, avec des
tannins au cordeau, une fraîcheur superbe, une trame inimitable : je connais ce
vin. Je me lance : Château Beauséjour "cuvée 1901" 2005! La
personne qui l'a amené acquiesce. C'est bien lui. Je reconnais avoir un
mérite limité. Depuis un an, j'ai dû boire trois bouteilles de ce vin qui à
chaque fois m'émerveille (dont la dernière fois ICI).
Pour le vin suivant, y a pas de doute, c'est un
Médoc. Du poivron comme ça, il n'y a qu'eux qui savent le faire ainsi.
Après, pour être précis, c'est pas évident. Bon, il n'y a pas que du poivron, il
y a aussi des épices, un peu de sous-bois. Le nez m'inquiétait: je m'attendais à
un vin un peu "vert". Il n'en est rien. La bouche s'avère douce, fine, d'une
grande buvabilité, avec une finale ad hoc. Un vin très agréable somme toute,
même si Pierrick qui l'a amené s'avoue déçu par cette bouteille (il s'est goûté
nettement mieux). Ah oui, au fait, c'est bien un Médoc : Château Tour
Saint Bonnet 2000.
Là encore, le nez nous emmène en rive gauche, avec une
classe au-dessus : gelée de cassis, moka, cigare... La bouche est assez
imposante, avec une belle maturité, des tannins veloutés et de la fraîcheur.
Bref, un vin bien équilibré très agréable à boire. La finale "calcaire" nous
oriente vers Saint-Estèphe. C'en est un : Château Phélan Ségur
2004.
Suite à une histoire rocambolesque que je vous épargne,
nous connaissons le vin que nous buvons ensuite. C'est un Daumas Gassac
1996. Longtemps considéré comme le plus grand des vins du Languedoc, sa
renommée commence à pâlir, du fait d'une concurrence qui a sacrément progressé.
Ce 1996 fait bien son âge : la robe est évoluée. Le nez aussi : fruits compotés,
cuir, garrigue... La bouche s'avère douce, avec des tannins bien fondus mais
manque un peu de puissance et de profondeur. La finale s'avère un peu "chaude".
Un vin à son apogée (voire qui l'a un peu dépassée). Ceux qui en ont en cave
sont invités à le boire rapidement!
Le vin qui suit nous ramène en Médoc. Sa robe est sombre.
Le nez bien mûr, encore marqué par un élevage de belle lignée. La bouche est
mûre, presque moelleuse, avec une très belle matière. Les tannins sont racés,
veloutés. De la bel ouvrage. Nous partons sur Pauillac. Bingo : c'est un
château d'Armailhac 2005.
Pour la plupart des dégustateurs, nous changeons
maintenant de région: robe pourpre, plutôt opaque. Nez de belle tenue évoquant
les fruits bien mûrs, les épices, le poivre. Syrah, pour beaucoup. La
bouche a elle aussi du charme, avec sa matière charnue, son élégance et des
arômes montrant une certaine évolution. Finale un peu sèche et amère sur
des notes d'Havane. Dommage parce qu'il aurait pu faire partie des plus beaux
vins de la soirée. Sinon, mes commensaux avaient raison. C'est bien un vin à
base de syrah : c'est un Hermitage Gambert de Loche 2001.
Un bouquet final qui nous ramène en terre bordelaise : nez sur
le cassis, le tabac, les épices et l'humus. Bouche de belle qualité, ronde,
mûre, veloutée avec des tannins parfaitement intégrés, et une acidité qui
soutient et étire le vin jusqu'à la finale de bonne persistance. Ce vin n'est
pas un monstre de puissance, n'en fait pas des tonnes, mais qu'est-ce qu'il est
bon! Je m'en ressers, tiens. J'ai vaguement évoqué son nom quelques lignes plus
haut. C'est un Léoville Las Cases 1993. Où l'on voit que les
bons domaines réussissent à faire des vins qui tiennent la route en année
difficile.
Nous avons mangé ensuite la tarte aux figues qui s'est avérée aussi bonne que je l'imaginais, et ce n'est pas peu dire ;o) Ce fut la conclusion de cette belle soirée qui en annonçait une autre trois jours plus tard, mais ceci est une autre histoire...