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Les obstacles à la création des fonds ISR en France

Publié le 14 octobre 2008 par Sia Conseil

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Avec 16,6 milliards d’euros d’encours sous gestion en France à fin 2006 contre 5 milliards d’euros en 2005, l’investissement socialement responsable (ISR) est un secteur en fort développement dans l’industrie de la gestion d’actifs. Hormis les fonds ISR classiques, on constate une volonté de lancement de nouveaux types de

fonds comme des fonds adossés à des actifs CO2 ou des fonds de dette microfinance. Néanmoins, la France n’est que le 5ème pays européen le plus actif en matière d’ISR derrière les Pays-Bas, le Royaume – Uni, la Belgique et l’Allemagne. En effet, de nombreux obstacles l’empêchent d’être compétitive face aux autres places européennes. La prochaine directive nationale concernant les OPCVM devra donc en tenir compte. 

Il existe deux types d’obstacles à la création des fonds ISR qui détiennent majoritairement des actifs non cotés : des obstacles liés au statut réglementaire de ces OPCVM, ainsi que des obstacles liés à leur distribution et à leur production.

  • Aujourd’hui, il n’y a pas dans la réglementation française de statut d’organisme de placement collectif qui soit réellement adapté aux actifs non cotés (billets à ordres, crédits d’émission de gaz à effet de serre, etc.) et qui permette d’investir de façon massive dans la microfinance, la finance carbone ou encore des projets environnementaux. Alors que la législation française n’est pas explicite au sujet des fonds de dette de microfinance, pour les fonds carbone, la réglementation est plus formelle : un fond de droit français ne peut détenir de crédit carbone au sein de ses actifs et aucun OPCVM de droit français ne peut intervenir sur Bluenext, la nouvelle plateforme française de finance carbone.
  • Les conditions de distribution et de promotion sont également très restrictives. Par exemple, dans le domaine de la microfinance, les fonds dits « purs » (jusqu’à 90 % d’actifs de microfinance) n’ont le droit à aucune publicité auprès du grand public et ne peuvent être distribués qu’aux investisseurs institutionnels ainsi qu’aux investisseurs avertis, et uniquement s’ils en font la demande explicite auprès de leur intermédiaire. Seuls les fonds « dilués » (10% d’actifs de microfinance au maximum) peuvent être distribués activement auprès du grand public. Ces obstacles à la distribution n’incitent pas les banques françaises à s’engager dans la production de ce type de fonds (conservation des actifs et administration). En effet, dans la mesure où elles ne peuvent pas les distribuer activement, elles préfèrent déléguer toute la production à d’autres banques européennes qui en ont acquis le savoir-faire et perdent ainsi la compétence sur ces produits.

Pourtant, la France a développé des compétences reconnues sur l’origination de ces outils. En effet, Paris détient une place dominante sur le marché des gaz à effet de serre (Orbeo, Bluenext, registre des gaz à effet de serre détenu par la Caisse des Dépôts…) ainsi qu’une des plus importantes ONG de microfinance, PlaNet Finance, spécialisée notamment dans le sourcing des actifs à destination des fonds de microfinance. Mais les nombreux obstacles à la production et à la distribution de ces fonds mettent à mal la compétitivité française sur ces marchés. En effet, comme les fonds ne peuvent pas être investis en France, il y a une fuite des actifs vers d’autres pays européens dont la législation est plus souple. Ainsi, la place londonienne tient le haut du pavé sur les fonds carbone puisque les Ucits britanniques peuvent détenir des crédits carbone. Quant aux fonds « purs » de microfinance, ils sont pour la plupart domiciliés au Luxembourg ou en Suisse (Blue Orchard Dexia Microcredit Fund, Responsibility Crédit Suisse Global Microfinance, etc.).

L’ISR, un marché en forte croissance

Toutefois, les perspectives sur ces marchés sont très intéressantes puisqu’on constate une véritable appétence des investisseurs finaux pour ce marché.

Selon une étude de la Deutsche Bank publiée en décembre dernier, la microfinance constitue aujourd’hui un marché de 2,3 milliards de dollars aux Etats-Unis et 1 milliard de dollars en Europe et devrait constituer un marché de plus de 20 milliards de dollars d’ici 2015. Cette étude rappelle également que ce marché propose un faible taux de défaillance et un rendement intéressant.

De plus, Bercy préconise dans sa nouvelle loi de modernisation financière que tous les plans d’épargne entreprise devront proposer un fonds solidaire. Outre cette recommandation, les FCPE solidaires pourront détenir non plus 10% mais 25% des actifs d’un fonds spécialisé dans l’économie solidaire. Sachant que fin 2007, l’encours investi dans ce type de FCPE a atteint 600 millions d’euros, soit une croissance annuelle de 50%, le secteur a de beaux jours devant lui. Se pose alors la question de la diversification des actifs : l’élargissement du périmètre de la collecte doit être accompagné de l’assouplissement de l’agrément des fonds solidaires, sous peine de créer une bulle en raison du manque de projets éligibles.

Quelques pistes au niveau national et au niveau européen pour répondre à ces obstacles

En attendant une législation européenne coordonnée, la Commission a publié en 2006 un livre blanc  sur le marché unique des fonds d’investissement. La commission propose notamment la levée des obstacles administratifs à la commercialisation transfrontalière ainsi que la mise en place d’une plus grande souplesse concernant les catégories d’instruments financiers autorisées dans les OPCVM.

Enfin, le groupe Paris Europlace a indiqué qu’il était essentiel que la Place financière de Paris conforte son positionnement sur le secteur ISR, porteur d’opportunités et effectue les changements nécessaires pour être la plus compétitive possible au niveau mondiale. C’est pourquoi une commission de travail s’est réunie sur le thème de l’ISR afin d’élaborer des recommandations d’actions remises à Bercy qui doivent permettre d’élargir l’assiette des investissements ESG (Environnemental, Social, Gouvernance), de communiquer plus largement auprès des investisseurs et d’identifier un cadre fédérateur pour la Place et ses acteurs. 

Sia Conseil


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