Depuis plus de trente ans, ce musicien à l’esprit vagabond se baigne à la confluence des cultures gitanes et arabes. Il a navigué en tous sens sur l’impétueuse et majestueuse onde poétique qui s’écoule depuis les contreforts de l’Inde jusqu’aux rives de la Méditerranée en passant par l’Asie Centrale. Mais on ne saurait réduire son art à la simple volonté de fusionner des sons et des styles, et encore moins à l’ambition de concocter une world music de bon aloi.
Avec son nouvel album, "Kali Sultana – L’Ombre du Ghazal", Titi Robin prouve plus que jamais que l’objet de sa quête est d’élaborer un langage éminemment personnel, chevillé au cœur et ancré dans la chair, épousant les reliefs et les failles d’un vaste paysage intérieur. Un langage à nul autre pareil, dont l’éloquence naturelle et la force d’évocation sont d’autant plus marquantes qu’elles peuvent se passer de tout recours au verbe. "En tant qu’instrumentiste, je pense que je peux raconter une histoire, dit-il. Mon rapport à la musique est très concret : je dis des choses extrêmement précises, qui sont toujours liées à mon vécu. Si la forme musicale que j’utilise peut aider à les rendre plus palpables pour les gens, je vais forcément privilégier cette voie-là. Kali Sultana cristallise cette idée."
Longue suite en deux volets, sept mouvements et trois intermèdes, cet album-fleuve a la force et la fluidité d’un poème lyrique et épique. Les motifs mélodiques et rythmiques s’enchaînent, se répondent et se prolongent, unis par la libre inspiration d’une musique qui abolit toute distance entre la geste improvisée et la tradition écrite, la parole individuelle et le souffle collectif, la ferveur de la danse et le recueillement de l’introspection, l’attachement au réel et l’aspiration au rêve. Comme toujours chez Titi Robin, ils tissent la trame d’un récit, au centre duquel trône cette fois-ci la figure de la Kali Sultana (la "Reine Noire").