Inlassablement, de façon chaque fois renouvelée, Boris Cyrulnik approfondit son concept de base : la résilience, qui explique comment les humains s'en sortent, finalement très souvent, même dans la pire des crises. Et ce qu'il en tire sert de leçon à tout le monde, car nul n'est à l'abri d'un désastre - bien que l'auteur préfère le terme "catastrophe" qui, étymologiquement, signifie que toute destruction (cata) ouvre la voie à un renouveau (strophe).
Quand on analyse pour quelles raisons une personne a tenu le coup dans une situation terrible et traumatisante, ou au contraire pourquoi elle s'est effondrée, on s'aperçoit de l'incroyable importance des mots avec lesquels l'entourage a accueilli cette personne après le choc - et aussi des paroles qui, dans sa culture, qualifient le type de situation traversée : par exemple, ce que l'on dit, chez elle, d'un homme qui se bat, ou refuse de le faire, d'une femme qui se rebelle, ou se soumet, d'un être qui désobéit, ou se plie, etc. Les paroles d'autrui (famille, voisins, société...) sur ce qui nous est arrivé sont décisives. Au point que Boris Cyrulnik n'hésite pas à dire - dans les dizaines d'exemples qu'il cite, notamment d'enfants traumatisés (selon ses propres mots "fracassés") par la guerre, les attentats, les génocides - que chacune de nos vies est une fiction.
Ce que vous croyez et racontez de vous-même est totalement faux, du moins selon les critères de la science ou de la justice. Et pourtant cela vous est vital, parce que votre existence en tire son sens. Vous échappez ainsi à l'absurde. Parfois au prix d'un "délire logique" tissé de pensées magiques - ou débouchant sur la quête d'un bouc émissaire. Mais beaucoup plus souvent, c'est finalement un élan d'amour de la vie qui nous sauve. Un livre d'espoir et de courage.