Et les chattes mettent
bas
Ainsi tu écoutes les choses de ta vie comme le miaulement d'un chat au fond du
jardin
Tu te réveilles à l'aube et tu écoutes au fond tout au fond ce miaulement
lointain de chat nouveau-né
Un été un autre un autre encore jusqu'à parvenir à cette nuit
Au fond du jardin au fond
Ainsi tu écoutes les choses de ta vie ainsi tu écoutes les choses du monde dans
l'obscurité de la nuit en tâtant la peur de ne pas comprendre ou de ne pas
vouloir le faire
et ce chat qui n'arrête pas de miauler et c'est une petite blessure tu ne sais
pas de quoi tu ne sais pas de qui mais il reste là insistant criant de faim et
de nuit au bord du danger au bord de l'abîme au bord du jardin une auto un
phare et puis rien
et les miaulements continueront plus aveugles que toi et tu verras l'été
prochain jusqu'à la prochaine canicule
le son impuissant comme une
onomatopée si peu lyrique que tu ne
peux l'écrire te dis-tu
quiconque pourrait jamais penser qui serait ce quiconque en lisant cette
onomatopée si lyriquement écrite si ridiculement sonore si vignette
d'après-guerre
mais elle résonne elle résonne chaque nuit
et toi pour frôler la blessure tu te dis que tout commença ainsi avec une
onomatopée avec un son tellement
innommable comme maintenant le miaulement insistant du chat nouveau né te
convoquant qui sait où te demandant qui sait quoi
Ou peut-être pire peut-être que rien ne te convoque que tu te réveilles
seulement au milieu de la nuit pour être le témoin précaire qui ne peut
traduire une onomatopée Tu te dis cela pour frôler la blessure
Tu écoutes le chat Puis tu as vu un homme torse nu et sans bras au bord de la
rue tu as frôlé la jambe perdue dans le pantalon replié sur la cuisse et tu as
vu que la mort est un bouquet de roses en plastique attaché à un réverbère
et tu t'es demandée quel mot n'est pas une onomatopée indéchiffrable pour
suivre l'obscurité
Un été un autre un autre encore au fond de la vie au fond du jardin au fond du
son
Et les chattes continuent de mettre bas sans arrêt et elles mettent bas des
onomatopées qui au fond du jardin résonnent comme les tables de la loi
Guadalupe Grande, traduction Dorothée Suarez – Olivier Favier
(texte espagnol dans la suite de note)
Contribution d’Olivier Favier
biobibliographie de Guadalupe Grande
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Gatas pariendo
Así escuchas las cosas de tu vida como el maullido de un gato al fondo del
jardín
Te despiertas de madrugada y oyes al fondo muy al fondo ese remoto maullido de
gato recién nacido
Y un verano y otro y luego otro más
hasta llegar a esta noche
Al fondo jardín al fondo
Así escuchas las cosas de tu vida así escuchas las cosas del mundo
a oscuras de noche palpando el susto de no entender
o el de no querer hacerlo
y ese gato que no para de maullar y es una pequeña herida no sabes de qué no
sabes de quién pero ahí está insistiendo clamando de hambre y noche al borde
del peligro al borde del abismo al borde del jardín un coche un faro luego nada
y continuarán los maullidos más obcecados que tú y si no al tiempo al próximo
verano hasta la próxima canícula sonido desvalido como una onomatopeya tan poco
lírica que no la puedes escribir te dices
qué pensaría nadie y quien es nadie al leer esa onomatopeya tan líricamente
escrita tan ridículamente sonora tan de viñeta de posguerra
pero suena suena cada noche
y tú para bordear la herida te dices que
así empezó todo con una onomatopeya con un sonido tan inombrable como ahora el
insistente maullido del gato recién nacido convocándote a dónde pidiéndote qué
O quizá algo peor tal vez nada te
convoque y tan solo te despiertas en medio de la noche para ser el precario
testigo que no puede traducir una onomatopeya Eso te dices para bordear la herida
Escuchas al gato Después has visto un hombre con el torso descubierto y sin
brazos al borde de la calle has rozado la pierna perdida en el pantalón doblado
sobre el muslo y has visto que la muerte es un ramo de rosas de plástico atado a un farol
y te has preguntado qué palabra no es una onomatopeya indescifrable para seguir
la sombra
Un verano y otro al fondo de la vida al fondo del jardín al fondo del sonido
Y las gatas siguen pariendo sin parar y paren onomatopeyas que al fondo del
jardín resuenan como las tablas de la ley