Appelez-moi par mon prénom – Nina Bouraoui (Stock, 2008)
Nina Bouraoui est connue pour ses livres teintés d’Algérie, pour ses romans comme Poupée Bella, où elle racontait son immersion dans le Milieu des filles. Mais, pour son dernier roman, Bouraoui a choisi un autre romantisme, celui que vivront passionnément un homme et une femme. Elle
Ils se sont connus lors d’une dédicace de la narratrice dans une librairie lausannoise. Consultant le site de son lecteur qui lui en a donné l’adresse, elle commence une ardente recherche de photos sur lesquelles elle pourrait apercevoir ce mystérieux jeune homme de seize ans son cadet. Son image devient obsédante et, depuis son appartement parisien, l’écrivain ne cesse de penser à ce garçon intriguant qu’elle souhaite retrouver à tout prix.
« Je m’endormais avec son corps, inventé au creux du mien. »
Bouraoui est classique, lyrique, dans ce roman de haut vol, et décrit admirablement ce besoin presque absurde mais pourtant si véhément d’un autre que l’on connaît à peine.
« Je fouillais sa vie, m’y fixant pour révéler la mienne. »
Les infernales – Stéphanie Hochet (Stock, 2005)
Camille et Jessica fréquentent la même école. La première restera toute son enfance dans l’ombre de la deuxième, qui deviendra enfant-pub, véritable star des réclames et enviée par toutes les autres petites filles. Stéphanie Hochet nous propose de suivre l’itinéraire de ces deux jeunes femmes d’un bout à l’autre.
La cruauté de Camille envers Jessica a le parfum de la vengeance. Ses abus de pouvoir n’ont d’égal que la soumission de Jessica qui, au fil des pages, deviendra son esclave.
Si Stéphanie Hochet connaît précisément les rouages de la manipulation et autres vices humains, elle a du mal à rendre crédible le fait que les deux femmes n’aient jamais eu de relations amoureuses. Dans cette union malsaine, l’auteur semble toujours effleurer l’éventualité de sentiments au sein de ce duo. Mais elle ne s’y risque pas. Dommage, car on sait que dans l’amour, les bassesses de l’autre sont exacerbées, et qu’en littérature, elles sont magnifiées.
Dans ma chambre – Guillaume Dustan (P.O.L, 1996)
Guillaume Dustan fut remarqué pour sa verve provocante et son attitude désinvolte. Son premier roman est à son image. Scandaleux, il loue les relations non protégées entre séropositifs et la consommation abusive de
Dustan dépasse allégrement les limites du politiquement et sexuellement correct. Mais la peinture sociale de Dans ma chambre est celle du déclin, et, dans ce qui semble être un profond désespoir – dû également à l'emprise de la maladie - plus rien n’est très moral et tout paraît acceptable si l’on agit au nom du plaisir, mais un plaisir tellement pressé et avide qu’il se vautre dans la démesure. « Il me dit Tu sais personne ne met plus de capotes, même les américaines, maintenant tout le monde est séropositif, je ne connais plus personne qui soit séronégatif (…) »
Bien que Dustan frise souvent l’intolérable, ses textes ont la précieuse importance de refléter une époque, rapportée par le regard de ses protagonistes directs. Malgré les excès choquants, qu’ils soient de sexe ou de drogue, Guillaume Dustan aura su livrer un témoignage sincère, au cœur des années Sida.
Lacrimosa – Régis Jauffret (Gallimard, 2008)
Avec ce dernier roman, l’éminent Régis Jauffret (au sommet de son art dans Microfictions, l’an passé) donne au lecteur la clef de son intimité. En effet, dans Lacrimosa, il propose une correspondance atypique avec une femme de sa vie, Charlotte, qui mit fin à ses jours dans la maison de son enfance. Mais, loin de se livrer totalement, Jauffret couvre son roman d’un élégant voile de pudeur, celui de l’humour. Le sujet est pourtant grave. Il s’agit de la perte d’un être aimé. Mais ce qui aurait pu être lourdement dramatique et solennel est finalement
Quand Charlotte se moque des habitudes de l’écrivain, dont elle se raille en le traitant d’« écrivassier », ce dernier lui sert tous les détails de son suicide et ressasse les souvenirs amers qu’il partage avec elle.
« On dirait vraiment que je me suis suicidée pour ton plaisir d’en faire toute une histoire, une histoire sordide comme tu les aime tant. Je me suis pendue à ta place, car tu es trop douillet, trop couard, et tu aurais eu trop peur de te rompre le cou. La mort aurait pu gâcher ta joie de raconter ton supplice. Tu veux bien être un martyr, à condition de pouvoir t’en vanter. »
Ce livre acerbe confirme encore une fois le talent de Régis Jauffret qui, dans ce qui se rapproche d’un dialogue de sourds, entrecroise les lettres d’un homme amoureux des mots et de leur préciosité et celles d’une femme désabusée dont l’harassement fut tel qu’il la conduisit au suicide. Un des grands romans de la rentrée.