à la Biennale de Venise jusqu’au 21 Novembre.
Un premier corps moulé dans du lucoprène, fragmenté, reproduit, multiplié, présenté dans des écrins : le pavillon tchèque et slovaque est aménagé comme une boutique de luxe au style dépouillé et élégant. Irena Juzova montre son corps de manière froide, industrielle, sans sensualité ni érotisme. Comme les fragments de Rodin, des pieds, des mains, des seins, des fesses sont présentés dans des vitrines bien éclairées, dans des boîtes enrubannées, prêts à être achetés, emportés, consommés. Elle enfreint le tabou sculptural du moulage, comme Clesinger avec la Présidente Sabatier, mais, au lieu d’affirmer son sexe, elle nie son individualité. Se moulant elle-même, devenant multiple, elle affirme l’”objectité” industrielle du corps féminin, dès lors dénué de charme et de sexe. Moderne Marsyas, elle s’affranchit ainsi des stéréotypes féminins, ne laissant qu’une empreinte. Incidemment, il y a, sur un quai de l’Ile de la Cité à Paris, une boutique où vous pouvez faire de même, si le coeur vous en dit.
Un deuxième corps coupé, tranché, déstructuré et qui se recompose lentement, passant par toutes sortes de métamorphoses : Tamarastudio (Tamara Kvesitadze et deux autres artistes) montre au pavillon de Géorgie de fascinantes statues. L’une, découpée en tranches, tourne sur elle-même, mais chaque segment à une vitesse différente (Revolving woman) et, à partir du corps parfait initial, on arrive ainsi à un monstre multiforme que l’oeil peine à recomposer et pour lequel on attend la fin du cycle, le retour précaire à la condition initiale. Une autre s’ouvre et se referme sur une plaie béante (1/8 of a woman); une troisième porte en son sein le corps d’un homme qui tourne dans le cercle qu’elle dessine, lui échappant puis la pénétrant de nouveau à chaque rotation. Surprenant travail poétique et sensuel qui semble flotter dans l’espace, sans attaches : mécanique et organique fusionnent. Dans ce même pavillon géorgien, une belle pièce murale de Sophia Tabatadze (Humancon Undercon) sur la condition humaine, les constructions et comment on les habite.
Un troisième corps, léger, fugace, parfois à peine entrevu, parfois trop présent : la chinoise Kan Xuan présente plusieurs petites vidéos au pavillon chinois. Dépourvues d’histoire, elles laissent le spectateur charmé, inquiet.
Dans l’une, l’artiste court à contre-courant du flot humain dans un couloir du métro, criant et poursuivant l’imaginaire (Yes). Dans une autre, elle joue nue dans les arbres, appelant les oiseaux (Ji Ji); dans une troisième, telle une statue classique dans un parc, elle apparaît sur un socle entre les arbres, puis s’évanouit (A happy girl). Sa frissonnante vidéo à l’araignée, vue à Berne, est encore dans ma mémoire.
Le quatrième corps, je n’en ai rien vu, et n’en verrai sans doute rien, sinon des photos placardées un peu partout dans Venise. Ali Pembleton souhaiterait sortir avec vous un soir : photo avenante, témoignages dithyrambiques, personnalité agréable. Comment faire de la recherche d’un ami/amant/mari un projet artistique ? Tentant, certes, mais risque-t-on le sort du malheureux d’hier ? Prenez soin de vous, Ali.
Photos provenant des sites des artistes ou d’autres sites Internet, excepté la 1ère photo Irena Juzova et les deux photos Tamara Kvesitadze, prises par l’auteur.